Ces humoristes de la diversité qui font rire les Français

Phil Darwin

Phil Darwin.

C’est un fait admis depuis longtemps : nombreux sportifs français d’origine africaine se sont imposés comme des valeurs incontournables dans leurs disciplines sportives. A côté d’eux, c’est désormais aux humoristes africains d’émerger. Non seulement par le biais de leurs spectacles, mais également par des chroniques quotidiennes ou des émissions de télévision et de radio en France. C’est le cas de Phil Darwin, Patson et de Mamane.

Sur Radio France internationale (Rfi) depuis janvier 2009, Mamane, originaire du Niger, propose une chronique où il tourne en dérision l’actualité africaine, française et internationale. Phil Darwin, originaire du Congo et Patson de la Côte d’Ivoire, interviennent quant à eux quotidiennement sur Africa n°1, une radio dont l’une des deux antennes est basée à Paris et sur laquelle Mamane a entre temps officié. Phil Darwin et Patson y présentent respectivement une chronique et une émission.

Un tournant sociologique ou technologique ?

L'Ivoirien Patson.

L’Ivoirien Patson.

Le parcours de ces humoristes ne les prédestinait pas forcément à ce type d’activités. Mamane est arrivé en France au début des années 90 pour y poursuivre ses études supérieures en télédétection. Patson fait lui toujours carrière en tant qu’expert automobile en moteur diesel. Sourire en coin, Phil Darwin estime « qu’il y a 20 ans, la télévision française pensait encore qu’un humoriste noir apparaîtrait en noir et blanc à la télé». Aussi estime-t-il qu’aujourd’hui avec internet, « si la télé nous boycotte, nous avons la possibilité de combler ce manque de visibilité sur la toile, de remplir nos salles de spectacle et d’être invités à la télé parce que nos salles sont pleines ».

Le Nigérien Mamane.

Le Nigérien Mamane.

En faisant une comparaison avec la danse que l’homme noir aurait naturellement dans la peau, Phil Darwin lance une boutade par laquelle il définit l’ADN par “Africain drôle et noir” Pour lui, «heureusement que l’homme noir a l’humour dans la peau, car c’est très souvent par rapport à cette peau que l’on veut nous faire la peau ». Cet humour lui « permet de prendre du recul et de dédramatiser les situations difficiles ». Guy Kalenda, coordinateur d’antenne d’Africa n°1, abonde dans le même sens. Dans leurs spectacles, explique-t-il, « les humoristes africains-français s’évertuent à intégrer les réalités qu’ils vivent au quotidien sur scène, en traduisant entre autres les frustrations, les difficultés de la vie, la discrimination à l’école, à l’emploi, dans la rue ». S’il reconnait que c’est avant tout pour en rire, il estime que « ces humoristes donnent également à réfléchir ».

Une liberté de ton indéniable

Phil Darwin, qui a joué l’un de ses spectacles en Tunisie avant la chute de Ben Ali en janvier 2011, confie qu’on lui a fait comprendre à plusieurs reprises qu’il ne devait « faire aucune allusion ni de près, ni de loin, ni même de très loin au pouvoir en place ». Une chose impensable en France. C’est pourquoi, selon Guy Kalenda, « ces humoristes français et les autres ont une telle latitude pour se moquer des travers de la société, des autorités et de la vie ordinaire ». Originaire de la République démocratique du Congo (Rdc), le coordinateur d’antenne d’Africa n°1 souligne « qu’il faudra qu’on y arrive sur le continent africain, parce que c’est la seule manière d’éradiquer les multiples tares et défauts de nos sociétés, en nous moquant de nous-mêmes pour nous délivrer ».

Et le Jamel Comedy Club

Jamel Debouzze, figure emblématique du stand up.

Jamel Debouzze, figure emblématique du stand-up.

L’idée de cette émission diffusée chaque semaine à partir de l’été 2006 sur Canal +, reposait sur le stand-up. Créée, produite et présentée par Jamel Debbouze, elle devait « mettre la lumière sur une nouvelle scène de talents comiques », afin de « leur donner une chance d’être entendus par le public et de servir de tremplin pour leur carrière ».

Outre Patson et Mamane, d’autres humoristes d’origine africaine tels que Thomas N’Gijol, Fabrice Eboué et Claudia Tagbo y ont participé. Directement venu des Etats-Unis, le stand-up met en prise direct l’humoriste avec son public qu’il tient en haleine avec ses mots durant toute la durée du spectacle. En France, Jamel Debbouze, Elie Semoun et Gad Elmaleh sont entre autres les figures emblématiques de cet art oratoire. Si cette émission a eu un succès indéniable, elle avait également pour but de « refléter la diversité multiethnique de la société française ».

Guy Kalenda estime que « Jamel Debbouze a été le porte-étendard de la nouvelle génération », en tirant dans « son sillage beaucoup de jeunes inconnus » qui grâce à cette émission « font aujourd’hui la pluie et le beau temps, non seulement en France, mais aussi partout ailleurs en Europe et aux Etats-Unis, sans oublier l’Afrique ». Pour lui, « le stand-up est une des voies de libération ». En effet, il estime que « la culture du spectacle est encore très minoritaire dans les populations d’origine africaine en France, pas seulement en ce qui concerne les humoristes, mais aussi le cinéma et le musée par exemple ». Le Jamel Comedy Club a donc contribué a inciter ces Français d’origine africaine à assister à ces spectacles dont le public reflète de plus en plus la diversité de la société hexagonale.

L’église catholique dénie à “Parfaite” le droit de se proclamer « Dieu Esprit saint »

Parfaite “Esprit saint incarné” et “l’abbé” Vigan, devenu “1er pape noir de l’église catholique” le mois dernier.
Source : 7aubenin.

« Parfaite » est le canal que « Dieu esprit saint, créateur du ciel et de la terre » a choisi en 2009 pour parler au monde entier. C’est en tout cas la conviction de Césaire Agossa. Il fait partie, depuis mai dernier, des 13 personnes qui ont été consacrées en tant qu’apôtres de l’Esprit saint qu’ils déclarent « adorer » – et non pas la personne de Parfaite. Il affirme que Dieu fait à travers elle des révélations sur la corruption de l’église catholique et sur les effets néfastes de la sorcellerie au Bénin.

Bien qu’il se considère toujours comme un fidèle de l’église catholique romaine, Agossa affirme vivre « autrement sa foi depuis qu’il est avec Parfaite ». Elle a une « mission messianique de 30 ans pour évacuer le monde des esprits mauvais », continue-t-il.

« Délivrée » d’attaques occultes

Tout a commencé en 2009 à Banamè, un bourg situé à 12 km de Covè, à plus de 100 km de Cotonou, la principale ville du pays. Selon Césaire Agossa, en 2009, Parfaite, alors âgée seize ans et en butte à plusieurs maladies récurrentes, aurait été amenée par son père adoptif sur la paroisse Sainte-Odile-de-Banamè, dont le prêtre exorciste Mathias Vigan était alors le curé. Instituteur de profession et en poste depuis seize ans à Bembèrêkè, au centre du pays, l’homme se serait vu confier la garde de la jeune fille trouvée par des bergers peuhls dans la brousse.

Selon une autre version, une certaine Jeanne Hounwèdo serait la tante de Parfaite qui se prénommerait en fait Vicencia et serait née le 18 avril 1990 à Sakété (sud-est du Bénin) de Raymond Chanvoukini et de Victorine Hounwèdo, décédée quelques mois auparavant. Quoi qu’il en soit, ces deux récits s’accordent sur le fait que Parfaite a été « délivrée » d’attaques occultes par le prélat.

D’autres témoignages concordants attestent que Parfaite a commencé ensuite à délivrer d’autres personnes. Sa renommée se propage rapidement dans la contrée. Ses séances de délivrance deviennent publiques et des milliers de personnes convergent depuis lors vers Banamè. Ses prêches, de plus en plus enflammés, visent directement l’église, qui s’insurge contre sa déité supposée.

Le « décret de suspense » de l’église catholique

Le 21 octobre 2011, Eugène Houndékon, évêque d’Abomey, le diocèse qui chapeaute la paroisse Sainte-Odile, publie un décret de suspense de Mathias Vigan. Mais ce dernier n’en a cure, puisqu’il porte aujourd’hui le titre de vicaire de l’Esprit saint qui s’incarnerait en Parfaite. Aujourd’hui, la vie de Mathias Vigan se confond à celle de Parfaite.

Pour l’abbé André Quenum, directeur de publication du journal La Croix du Bénin, « il n’y a qu’un seul Jésus-Christ, un seul messie, un seul Esprit saint, un seul Dieu, père, fils et esprit saint qui s’est déjà révélé aux hommes. Aucune femme n’est Esprit saint, aucun homme n’est Esprit saint, aucun autre homme n’est le messie ». En réponse aux prêches de Parfaite, dans lesquels elle dénonce la corruption d’une large partie du clergé, il estime « qu’on ne peut pas se prévaloir du péché réel ou présumé des autres, pour pouvoir diviser davantage l’église ». Il ajoute cependant que « l’Eglise ne rejette pas Parfaite », se disant « prête à aider, elle, le père Mathias Vigan et ceux qui les suivent s’ils le souhaitent vraiment ». Mais il rappelle que « la puissance de Dieu n’est pas dans le spectaculaire, dans la démonstration tapageuse ».

Une affluence considérable

Banamè, ce bourg où Parfaite vit, selon Césaire Agossa, du jeudi au samedi, draine en continu des milliers de personnes. C’était le cas du 15 au 19 août 2012 dans le cadre d’une manifestation intitulée « commémoration du premier anniversaire de la reprise des activités de la mission de trente ans de Banamè par l’Esprit-saint ». Environ 100 000 personnes y auraient participé. Depuis plusieurs mois, elle écume aussi régulièrement les grandes villes ainsi que d’autres contrées éloignées des centres urbains. A chaque fois, l’affluence est considérable.

Dans son public, un savant mélange constitué de personnes qui reconnaissent ne plus être actifs au sein de l’église catholique, et d’autres qui, bien que participant aux rencontres avec Parfaite, continuent à assister régulièrement à la messe. Parmi eux, Eymard, professeur de français dans plusieurs collèges de Cotonou. Ce presque quadragénaire, déclare « avoir été revigoré » par son séjour à Banamè. « Je ne suis pas en rupture de banc avec l’église catholique romaine, mais je ne me reconnais plus en la gestion qu’en fait le clergé au Bénin », ajoute-t-il.

De son côté, Parfaite, malgré ses prêches et ses diatribes contre l’église catholique, se réclame toujours d’elle. Elle a repris à son compte plusieurs de ses prières, car selon ses propos, cette église serait la seule que l’Esprit saint, qui s’incarne en sa propre personne, reconnait.

• Dernière minute : Le 17 novembre 2012, le mouvement de Parfaite a désigné Mathias Vigan « nouveau pape pour l’église catholique », sous le nom de Christophe XVIII. Le nouvel élu, présenté comme le « premier Pape noir de l’église catholique », a annoncé « un vaste programme visant à fédérer toute la vaste communauté catholique du monde ».

> A “fédérer” ou à diviser encore plus ?

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Tiken Jah Fakoly : l’artiste qui construit des écoles

Outre la réputation d’être devenu depuis plusieurs années l’une des figures emblématiques du reggae africain, l´Ivoirien Tiken Jah Fakoly se forge également depuis peu celle d’un bâtisseur.

Un concept : « un concert, une école ». Depuis 2009 où ce projet est né, Tiken Jah Fakoly grâce à l’appui de plusieurs partenaires associatifs et institutionnels a pu déjà construire ou réhabiliter des écoles dans plusieurs pays africains, dont le Mali, la Côte d’Ivoire et le Burkina-Faso. En mars 2009, une école a été construite dans le village de Touroni à 30 km d’Odienné dans le nord-ouest de la Côte d’Ivoire. Un mois plus tôt à Dianké dans le nord du Mali, un collège de 4 classes est inauguré avec le soutien de la Région Rhône Alpes.

Dans le quartier de Treichville à Abidjan en Côte d’Ivoire, l’école de Biafra a été réhabilitée dans la foulée. Celle du village de Nialé dans la préfecture d’Orodara au Burkina-Faso a été livrée flambante neuve dans la même période. Mais avant, l’artiste a créé en 2007 à Lyon, l’association Toloni dont il a fait la cheville ouvrière de son concept d’ « un concert, une école ». Elle a pour but la « création d’écoles, de centre d’alphabétisation et de santé en Afrique pour aider à l’amélioration des conditions de vie des enfants ». Pour ce faire, elle « fournit des équipements scolaires, des biens mobiliers ou immobiliers pouvant aider à améliorer les conditions d’enseignement, d’éducation et la santé des enfants ».

La genèse

Comme il le raconte dans le livre, « L’Afrique ne pleure plus, elle parle » que Frédérique Briard lui a consacré, tout part de l’année 1997 où dans un coin de brousse de sa région natale d’Odienné, Tiken Jah Fakoly tourne un clip pour son album « Françafrique ». Bien qu’il ait veillé à ce que le cadre soit isolé pour éviter d’éventuelles perturbations, des gamins accourent sur les lieux. Tiken Jah Fakoly, leur demande alors ce « qu’ils faisaient à cette heure de la journée à la maison ». Les enfants lui répondent que, « leur village ne dispose pas d’une école et qu’ils devaient parcourir plus de 10 km pour se rendre à celle située dans le village voisin ». Du coup ajoute t-il, « j’ai décidé alors de financer la construction d’une école ».

C’est finalement une douzaine d’années après la discussion qu’il a eue avec ces quelques enfants d’Odienné, qu’il parvient à faire construire une école dans le village de Touroni situé dans la même contrée. Ce projet et celui de Dianké (Mali) ont été financés par le biais des recettes obtenues lors de deux concerts donnés en 2004 et 2007 en France. Des fonds auxquels il a ajouté des deniers personnels. Pour Tiken Jah Fakoly, « l’école est la base du développement surtout pour les jeunes filles ». Et il faut « donner les mêmes chances à tout le monde, à tous les enfants ».

Comme il l’annonçait lors de l’inauguration à Dianké en février 2009, les bénéfices de tous les concerts qu’il donnera durant la même année serviront à alimenter un fonds de financement. Ces recettes permettront au concept d’ «un concert, une école », de s’étendre dans d’autres régions du Mali, de la Côte d’Ivoire et du Burkina-Faso, mais surtout de concrétiser la construction ou la réhabilitation d’écoles dans des pays tels que le Bénin, le  Togo, le Niger et la Guinée.

> « Un concert, une école » sur Youtube.

Titica, la chanteuse transsexuelle qui fait vibrer l’Angola

Le Kuduro, mélange de rap, techno et de rythme africain, fait partie du patrimoine angolais. Titica, une chanteuse âgée de 25 ans, en est devenue l’une des figures de proue. Son ascension rapide vers le succès n’a pas été entravée par sa transsexualité ni par son homosexualité.

Titica, qui a aujourd’hui un album et plusieurs concerts à son actif, lançait en octobre 2011 son 1er single, “Chão”. Ce titre a fait un tabac (voir la vidéo du clip) et a lancé sa carrière.

Depuis, son succès ne se dément pas, principalement auprès des jeunes Angolais. Avec elle, en Angola, homosexuel ne rime plus forcément avec paria.

Dans ce pays majoritairement catholique, le code pénal prévoit en effet une peine de travaux forcés pour toute personne soupçonnée d’ homosexualité. Elle est la première chanteuse à afficher son orientation sexuelle dans ce pays secoué jusqu’en 2002 par une guerre civile meurtrière.

L’histoire d’une vie

Lors d’un entretien accordé à Rfi, elle a déclaré avoir «  toujours été comme cela ». Et d’ajouter : « Depuis l’enfance, je jouais avec des poupées, je ne restais qu’avec des filles. J’aimais tout comme une femme ». Rejetée par ses proches à cause de ses penchants sexuels, elle franchit le pas à l’âge de 16 ans, où elle décide de faire les démarches nécessaires « pour se faire poser des implants mammaires ». La dite opération a été faite il y a deux ans au Brésil.

D’origine congolaise et de son vrai nom Teca Miguel Garcia, elle est donc devenue une fille transsexuelle depuis cette date. Le succès frappant allègrement à sa porte, elle espère changer les mentalités bien enracinées en Angola. Quoi qu’il en soit, elle a pu déjà réussir par son ascension à battre en brèche le rejet que subissent les personnes aux orientations sexuelles hors normes. 

Le Bénin croule sous le poids des déchets électroniques

Martin Aïna, enseignant-chercheur en eau et assainissement, est l’auteur du rapport technique sur les mouvements transfrontières et la gestion des déchets d’équipements électriques et électroniques (Deee) au Bénin.


Le tri des déchets de téléphones portables dans un atelier de dépollution à Cotonou.
Photo : clicvert.

Que pouvons-nous retenir essentiellement de ce rapport ?

– De façon globale, nous avons constaté qu’il y a des milliers de tonnes d’équipements électriques et électroniques (Eee)  qui atterrissent sur le territoire béninois. De 2004 à 2006, environ 5000 à 6000 tonnes de déchets arrivaient par an sur le territoire béninois. Grâce à des traceurs que nous avons identifié, nous avons pu suivre ces équipements jusqu’au dépotoir sauvage et en décharge. Ainsi, nous avons différencié quatre types d’équipements. D’abord il y a les gros que sont les frigos, les congélateurs, les cuisinières et autres ; ensuite il y a les petits appareils ménagers (micro-onde, chauffe-eau, cafetière, etc.), les équipements informatiques et télécommunications que sont entre autres, les téléviseurs et les ordinateurs. Enfin, nous avons les équipements que tout le monde utilise, c’est-à-dire les rasoirs, les téléphones et les lampes torche à titre d’exemple. Mais en 2007, nous sommes passés à plus de 8000 tonnes d’Eee, parce que le gouvernement béninois a décidé de supprimer toutes les taxes qu’il prélevait sur ces équipements, car il voulait faire du Bénin « le quartier numérique de l’Afrique ». En plus de ceux qui commercialisaient déjà ces produits, beaucoup d’autres personnes, principalement des occasionnels, ont saisi cette aubaine. C’est pourquoi bon nombre des véhicules d’occasion qui étaient importés par le port de Cotonou étaient remplis d’ordinateurs et de téléviseurs. En effet, beaucoup de gens ont dit à leurs parents qui étaient en Occident, qu’il n’y avait plus de taxe sur ces équipements et qu’ils pouvaient les envoyer. Dès lors, le Bénin a été encore plus submergé par ces équipements de 2ème main, 8500 tonnes en 2007. Après,  il y a eu une chute parce que les occasionnels se sont retirés, et nous sommes revenus en 2009 et 2010 autour de 5000 à 6000 tonnes de déchets.

– Quelles conséquences sur l’environnement ?


Tri visuel des déchets chez un revendeur. Photo : clicvert.

– Ces équipements de 2ème main se retrouvent très tôt sur les dépotoirs ou les décharges. L’eau de pluie lessive tous les métaux lourds qu’ils contiennent, et cela entraine la pollution  de la nappe phréatique. S’il y a éventuellement à côté des gens qui font du maraichage, les produits maraichers sont directement contaminés. Aussi, bien que la majorité des gens qui travaillent sur ces décharges sauvages ait entre 40 et 45 ans, il y a parmi eux des jeunes, dont des enfants de 10 à 15 ans. Ils suivent leurs parents ou des frères qui viennent du nord du Bénin ou du Niger.  A force de casser, d’inhaler des gaz et de brûler des plastiques, ils sont tellement exposés qu’il y a eu des cas de décès parmi eux. Nous n’avons pas pu faire un lien direct, parce que ces personnes n’ont pas été autopsiées. Mais nous savons que cette exposition permanente est nuisible pour leur santé.

– Comment mieux contrôler l’importation de ces équipements de 2ème main ?

– Il faut renforcer la police environnementale, en lui donnant les moyens de contrôler ces équipements qui arrivent au Bénin. Il y a des multi-paramètres à sondes, qui permettent de détecter leur présence et celle des métaux lourds et des gaz qu’ils contiennent. Il faut aussi former les agents de la police environnementale, tout en recrutant d’autres afin de mieux contrôler nos différentes frontières car elles sont très perméables. Nous avons ainsi constaté que le nombre des équipements usagers qui entrent par les postes de frontière officiels est moins élevé que ce que les gens font entrer au Bénin par des chemins détournés. Au finish, la police environnementale doit être formée et équipée afin de mieux quadriller nos frontières et pour qu’on soit sûr de l’état des Eee qui sont importés au Bénin.

– Quelles sont les solutions pour améliorer la situation ?


Un collecteur de téléphones mobiles usagés
sur sa moto. Photo : clicvert.

– Quand ils sont achetés à l’état neuf en Occident, des taxes sont prélevées pour la future destruction de ces équipements, qui nous viennent ici à l’état de 2ème main. Dans notre étude, nous avons identifié la part de marché des sociétés qui les produisent et les exportent au Bénin. Avec ces données, le gouvernement béninois peut les contacter, afin de les informer du nombre de tonnes de leurs équipements que le Bénin a reçues. A partir de ce moment, ces producteurs et le gouvernement peuvent se mettre ensemble pour créer une société de recyclage et de démantèlement, et ce dans le cadre d’une négociation sanctionnée par la signature d’un contrat entre les deux parties. Cela générera des fonds pour la gestion des déchets. Sur le plan social, elle permettra la création de milliers d’emplois, avec le recrutement de jeunes techniciens et de ceux qui font aujourd’hui un recyclage artisanal, ou trainent des charrettes dans les villes du Bénin en recherchant des Eee. Toutes ces personnes seront intégrées dans une chaine de production, et à terme l’environnement sera mieux protégé.

L’afflux des déchets européens aggrave la situation

Intitulé : « Deee ? Où en sommes-nous en Afrique ? », ce rapport a été publié récemment par l’Onu. Il y est notamment abordé les dangers liés aux déchets d’équipements électriques et électroniques (Deee) dont l’Afrique de l’ouest est de plus en plus inondée. L’enquête faite au Bénin, en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Libéria et au Nigéria, révèle que des substances dangereuses sont rejetées lors des différentes opérations de démontage et qu’elles font peser de graves risques pour la santé des populations en général. Elle est basée, sur les conclusions des évaluations nationales des déchets électroniques réalisées dans ces cinq pays entre 2009 et 2011. Chaque année, ils produisent entre 650000 et 1000000 de tonnes de déchets d’équipements électriques et électroniques, car ceux-ci s’y répandent très vite. A titre d’exemple, le taux de pénétration des PC y a été multiplié par 10 au cours des dix dernières années, tandis que le nombre des abonnés des opérateurs Gsm a été multiplié par 100. L’afflux des déchets européens en provenance notamment du Royaume-Uni, de la France et de l’Allemagne vient aggraver la situation que ce rapport de l’Onu décrit. Ces pays sont ainsi les principaux exportateurs d’équipements électriques et électroniques neufs et usagers en Afrique. Bien qu’ils soient dangereux à manipuler, ces déchets représentent une source de revenus pour des milliers de personnes. Ainsi à Accra (Ghana) et à Lagos (Nigéria), le ramassage et la remise en état de déchets sont une activité qui nourrit plus de 30000 personnes.

Bénin : les mini-restos ont la cote, mais ils sont illégaux

A l’instar des  étalages de vente de l’essence de contrebande, des baraques où on vend de la nourriture font partie du décor de la quasi-totalité des villes du Bénin. En marge de toute légalité, ces mini-restos tenus par des femmes sont fréquentés par une frange importante de la population.

 
Ustensiles de cuisine dans un mini-resto à Cotonou.¨
Photos : Bernado Houenoussi.

Quatre bancs, deux longues tables, des assiettes, des cuillères et des fourchettes constituent l’arsenal de cette bicoque, située dans le 10ème arrondissement de Cotonou où nous nous trouvons en ce début de matinée. Rachelle, la propriétaire, est au four et moulin depuis 5h du matin. Pour elle et Claudine, sa jeune domestique, c’est le même manège tous les jours de la semaine, sauf les dimanches et certains jours fériés où elles se reposent. Ce jour là, nous faisons partie des premières personnes qu’elle reçoit.

« Par la force des choses »

Mère de deux enfants et en concubinage depuis une douzaine, Rachelle a commencé à vendre de la nourriture il y a trois ans de cela. Devenue femme au foyer par la force des choses, elle a trouvé en cette activité un palliatif, n’ayant pu exercer la profession de couturière pour laquelle elle avait suivi une formation en apprentissage sur le tas durant cinq ans. Sa baraque a été construite devant la maison où elle vit avec son compagnon. Dans la même ruelle, d’autres femmes exercent la même activité. Elles ont en commun de mettre au profit de leurs clients les secrets de cuisine de leurs mère.

Avec en moyenne 300 à 500 Fcfa (0,45 à 0,76 € !), on peut manger à satiété dans ces mini-restos. Les différents ingrédients sont achetés au marché ; les plats sont concoctés dans des conditions généralement acceptables, mais qui peuvent être aussi rudimentaires dans certains cas. Rachelle comme les autres femmes ne subissent aucun contrôle officiel. Elles évoluent en parfaite illégalité, alors que pour l’ouverture d’un restaurant il faut déposer une demande auprès de la Direction des affaires intérieures (voir encadré).

La procédure pour ouvrir un restaurant

La Direction des affaires intérieures (Dgai), qui dépend du ministère de l’intérieur, délivre à toute personne ayant déposé un dossier pour l’ouverture d’un restaurant, une attestation de dépôt. Cette étape est suivie par une étude théorique de chaque dossier en attente, par un comité interministériel qui réunit plusieurs ministères. Il y a ensuite une étude pratique (essentiellement une visite des locaux du futur restaurant). Mais ces études, à l’issue desquelles ce comité donne son autorisation officielle, n’interviennent que plusieurs mois après le dépôt du dossier. En effet, le comité interministériel ne se réunit qu’après un certain nombre de dossiers déposés. C’est pourquoi ceux qui souhaitent ouvrir un restaurant peuvent débuter leur activité tout en s’épargnant les désagréments liés aux contrôles inopinés des policiers ou d’autres services étatiques compétents.

Bien que Rachelle ne balaie pas d’un revers de la main la nécessité de faire des démarches officielles pour l’enregistrement de son mini-resto, elle ne semble pas en faire une préoccupation première…

Construire un patrimoine malgré tout

« Les tâches que je fais au quotidien avec Claudine sont parfois épuisantes, déclare t-elle. Dans petit un coin de ma tête, je rêve d’acheter dans quelques années une ou plusieurs parcelles, sur lesquelles j’envisage soit de construire des maisons, ou bien de laisser mes enfants le faire dès qu’ils seront adultes ».

Un client nous confie que sa grand-mère paternelle faisait la même activité : « Elle l’a fait durant trente ans. Grâce à ses économies, elle a pu acheter et bâtir une maison au début des années 90 ».

Dans cette ruelle du 10ème arrondissement, il y a d’autres mini-restos, comme c’est le cas partout ailleurs. Rachelle ne craint par la concurrence : « Je me contente de ce que je gagne avec la grâce de Dieu ; je vendrai de la nourriture aussi longtemps que je le pourrais, même si je prends chaque jour une bonne dose de fumée due aux fagots de bois que  j’utilise ». Elle s’inquiète des répercussions que cela pourrait avoir sur sa santé. Comme ces mini-restos pullulent un peu partout dans le pays, leur marge bénéficiaire s’est nettement réduite au fil des années. C’est pourquoi le rêve de Rachelle de se construire un patrimoine a parfois des airs de chimère.

Les restaurants formels

Les propriétaires des restaurants qui ont fait au préalable une déclaration à la Dgai n’ont pas à craindre la concurrence des mini-restos car ils ont leurs clients habituels. Ils proposent des prestations proches des standards internationaux, avec en plus des mets, des boissons alcoolisées et du vin. Une bonne partie d’entre eux est installé dans les quartiers les plus chics de Cotonou, d’autres sont disséminés aux quatre coins de la même agglomération, tout en veillant à être proche du centre ville. Ils proposent aussi de louer leurs locaux pour différentes manifestations ou de faire office de service traiteur à d’autres occasions.

Et le laxisme de l’Etat

Si ces milliers de mini-restos vendent depuis plusieurs décennies de la nourriture au public sans aucune autorisation, l’idée de les interdire n’effleure même pas l’esprit des services étatiques. Ainsi, c’est une question de santé publique qui est délaissée. Dans un pays pauvre comme le Bénin, ces mini-restos non officiels sont le lieu privilégié de ceux qui ne peuvent dépenser beaucoup dans les restaurants formels.

Plusieurs pays africains ne veulent plus des sacs plastiques

En Afrique comme ailleurs, les sacs plastiques servent souvent pour l’emballage des produits et articles achetés dans le commerce. Jetés dans la nature après cette seule utilisation, ils polluent l’environnement. Face à ce constat, le Mali, après d´autres Etats africains, a décidé  d’en interdire l’utilisation.


Dans une rue de Cotonou. Photo : B. Houenoussi.

En janvier 2012, l’Assemblée nationale du Mali adoptait une loi interdisant « la production, l’importation, la commercialisation, la détention et l’utilisation des granulés et des sachets plastiques». Cette loi entrera en vigueur en avril 2013. Par ce vote, le Mali a décidé de suivre l’exemple d’autres pays africains qui ont fait le choix de mener une lutte sans merci contre les sacs plastiques. Il s’agit notamment de l’Afrique du sud, du Rwanda, de l’Ouganda et du Gabon. Tiémoko Sangaré, ministre malien de l’environnement, déclarait à Afrik.com que ces sachets contribuaient à la « dégradation des terres de cultures en milieu rural ». Leur brûlage produit des « polluants organiques persistants (dioxines et furanes) nocifs pour la santé et l’environnement ».

Selon des chiffres officiels, le plastique représente 3% des déchets municipaux au Mali. Tiémoko Sangaré reconnait que 95% des sachets plastiques consommés au Mali sont importés. C’est d’ailleurs pourquoi il relative l’impact de la loi votée en janvier dernier. Mais à terme, le gouvernement malien veut inciter les citoyens à utiliser des plastiques biodégradables, des sacs en tissu, en fibre, des paniers en paille et des emballages en papier ou en carton. L’engagement écologique dont fait montre ce pays tranche avec celui d’autres Etats du continent qui sont encore laxistes. C’est le cas du Bénin, où les sacs plastiques zigzaguent au gré du vent et font partie du décor de ses différentes villes.

Une initiative inédite au Burkina-Faso

Comme d’autres pays africains, le Burkina Faso est submergé par les sachets plastiques. C’est dans ce contexte que les autorités ont organisé le concours nommé « Zéro sachet plastique ». L’idée de cette compétition était de récompenser les habitants qui auront ramassé le plus de sacs plastiques dans leur commune. Selon Fasozine, 6120 citoyens y ont participé et les différents lauréats ont été distingués le 31 janvier 2012. C’est la commune de Bogodo qui a remporté le concours. Elle a reçu entre autres une somme de deux millions de Fcfa (3050 €), et du matériel tel que des charrettes, des brouettes, des râteaux et des poubelles. Environ 25 millions de Fcfa (38 115 €) ont été distribués dans le cadre de ce concours. Grâce à cette émulation en espèces sonnantes et trébuchantes de la fibre écologiste de ces citoyens burkinabè, 300 tonnes de déchets plastiques ont été collectées. Ils sont confinés au centre de traitement et de valorisation des déchets situé à Ouagadougou, la capitale du Burkina-Faso.

Immigration clandestine : des stars congolaises dans la tourmente judiciaire

L’Europe et globalement l’Occident constituent un passage obligé pour les musiciens africains souhaitant faire carrière à l’international. Ainsi, plusieurs artistes de la République démocratique du Congo (RDC) y évoluent. Mais plusieurs d’entre eux ont été mêlés ces dernières années à des affaires bien singulières.


Papa Wemba.

Papa Wemba, Félix Wazekwa et  Werrason, tous trois d’origine congolaise, sont des figures emblématiques de la musique africaine en Occident. A un certain moment de leur carrière, ils ont été soupçonnés, dans le cadre de différentes affaires, d’organiser une filière d’immigration clandestine en Europe sous le couvert de leurs activités musicales. Surnommé « le chef du village de Molokai », Papa Wemba a été parmi eux le seul à avoir été condamné en 2004 et 2010 respectivement en France et en Belgique.


Félix Wazekwa.

Félix Wazekwa a été acquitté, après avoir été en 2010 reconnu « coupable  de confection de faux passeports et d’avoir dirigé un réseau de traite des êtres humains, impliquant vingt personnes dans le cadre des activités d’une organisation criminelle ». Werrason, lui, a été uniquement mis en garde en vue avec plusieurs de ses musiciens en 2002 pour des faits liés à des problèmes de visa. Le cas de Koffi Olomidé tranche nettement avec les précédents. Dans la soirée du 13 février 2012, le chanteur, qui est aussi originaire de RDC, a été mis en examen  pour viol et séquestration de trois ex-danseuses de son groupe par une juge d´instruction de Nanterre.

Une spécificité congolaise ?


Werrason.

La RDC peut se targuer d’avoir l’une des scènes musicales les plus foisonnantes du continent africain. Depuis 1976, Papa Wemba a créé “Viva la Musica”, une formation musicale. Werrason est le leader du groupe Wenge “Maison Mère”. Koffi Olomidé est le président de l’orchestre “Quartier Latin”. Une caractéristique bien propre à ces musiciens congolais est que leurs groupes sont constitués par une flopée de personnes, dont des chanteurs et des danseurs.

Pendant de longues années, toutes ces personnes ont pu venir facilement en Europe et ce parce qu’elles étaient membres de l’un ou l’autre de ces groupes. C’était particulièrement le cas lorsque leurs formations musicales y faisaient des tournées. Une réalité qui a donné des idées par très orthodoxes à certains : aider des profanes de la musique à immigrer en Europe. Mais avec le durcissement de la politique d’immigration des pays européens, la donne a changé. Ce n’est donc pas un hasard si ce sont des artistes congolais qui animent depuis quelques années en Europe la chronique judiciaire relative à ces délits. Ceux du Cameroun, du Sénégal ou du Mali, qui font aussi carrière en Occident, n’ont jamais été cités dans des affaires similaires.

Les stars montantes de la musique congolaise sont les victimes collatérales des ennuis judiciaires de certains de leurs ainés. Leurs musiciens et autres ont de plus en plus du mal à obtenir un visa pour l’Europe. Prévus pour début 2012 respectivement au Zénith et à l’Olympia, les concerts de Fally Ipupa et Ferré Gola ont été annulés.

Manu Dibango : une icône du jazz et du saxophone toujours en verve

Au début des années 50, ce Camerounais de naissance et dans l’âme pose ses valises en France pour ses études. Mais il y découvre le jazz et le saxophone, dont il devient le héraut. Plus d’un demi siècle plus tard, Manu Dibango, bientôt octogénaire, poursuit toujours une carrière musicale hors norme.

Past-Present-Future, l’album sorti le 7 novembre 2011 par Manu Dibango, est encore pour lui un nouveau challenge. Il y a associé des talents africains venus des quatre coins du continent, dont Oum (Maroc), Chantal Ayissi (Cameroun) et Passi, un Franco-Congolais. Le britannique Wayne Beckford s’est particulièrement consacré à la relecture de Soul Makossa, ce titre qui colle à la peau de Manu Dibango, autant que le saxophone. En effet, Manu Dibango est devenu ces dernières décennies la figure incontournable de cet instrument. Il a l’art, la manière et le flair nécessaires des grands qui ont contribué au développement du jazz.

Mais Manu est aussi un homme de scène. Et il a de nombreuses accointances avec le monde médiatique. C’est ainsi qu’en compagnie de Robert Tito il tient chaque dimanche en haleine les auditeurs d’Africa N°1, « la radio africaine ». Il y présente une émission intitulée tout simplement : Manu Dibango. Il a également animé plusieurs émissions de télévisions et composé la musique de plusieurs films.

A propos de la candidature sénégalaise de Youssou Ndour

Le commentaire de Manu Dibango sur la candidature déclarée de Youssou Ndour à la présidentielle de 2012 a suscité des réactions au-delà des frontières sénégalaises voire africaines. Interrogé sur la question à l’émission « Plus d’Afrique » sur la chaîne de télévision Canal+, il a estimé qu’en déclarant sa candidature, Youssou Ndour « ne cherchait qu’un coup médiatique ».

« J’ai bien dit qu’il s’agissait d’un bon coup médiatique », rectifie l’artiste dans un « droit de réponse » sur son site, mais dans le sens « qu’il s’agissait d’une publicité incroyable pour le Sénégal à travers le monde, car peu de gens hors du Sénégal étaient informés de cette échéance importante ».

C’est l’une des personnalités les plus en vue de la diaspora africaine, contribuant dans le monde occidental et notamment en France à la promotion de la musique africaine. Fort de son image, il s’est engagé dans plusieurs causes humanitaires au service du continent africain. Dans le même temps, il a appuyé de nombreux talents africains en servant de rampe de lancement à leur carrière.

Là où tout a commencé

Le milieu protestant où il est né, et dans lequel il a été élevé durant les quinze premières années de sa vie, a eu certainement un impact sur son parcours hors norme. En chantant à cette époque dans plusieurs chorales, il eut tout le loisir de déterminer les premières pièces de son puzzle musical. Le reste de cette tâche de longue haleine, il l’a poursuivra en Europe où dès le début des années 60, il travaille avec les stars africaines de l’époque. C’est ainsi qu’il est sollicité par Grand Kallé, pour faire partie de son orchestre. Il enregistre avec lui plusieurs disques à succès.

Le temps est faste mais coïncide aussi avec la période l’indépendance de plusieurs pays africains dont celle du Congo belge dont Grand Kallé est originaire. Cette collaboration est fructueuse, elle lui permet de sortir de l’anonymat et de mener à terme son idée de tisser des liens entre le jazz et les musiques africaines. En 1972, il sort Soul Makossa, le premier album francophone qui plane en haut du hit-parade aux Etats-Unis. Ses albums s’enchainent. Il a aujourd’hui une discographie a fait pâlir d’envie et dont le film conducteur est toujours son idée initiale.

Il glane également de nombreuses distinctions honorifiques : entre autres, son titre depuis 2004 d’Artiste de l’Unesco pour la paix, celui de Chevalier de la Légion d´honneur depuis le  14 juillet 2010 et la Victoire du Meilleur Album de musique de variétés instrumentales, décroché en 92 pour son album Négropolitaines, volumes 2. Cinq ans avant sa Victoire de la musique, il a créé à Saint-Calais (Sarthe), le festival Soirs au Village qui se tient chaque année dans la dite ville.

 Mû toujours par son idée, il réaffirme toujours : « On ne peut pas peindre du blanc sur du blanc, du noir sur du noir ; nous sommes tous les révélateurs les uns des autres ».

Mali : un groupe de rockers touaregs récompensé par un Grammy Award

Le 13 février 2012, Tinariwen, un groupe de rock composé de touaregs originaires de Tessalit dans le nord-ouest du Mali, remportait le prix du meilleur album “Musique du monde” aux Grammy Awards. Une distinction symbolique, alors que, depuis le 17 janvier dernier, une nouvelle rébellion touareg sévit de nouveau dans le nord du pays.

L’histoire de ce groupe touareg né en 1982, est  intrinsèquement liée à celle des anciennes rébellions touareg dont la 1ère fut déclenchée en 1963. La répression de celle-ci par l’armée malienne conduit ce peuple à un exil, principal source d’inspiration et fil conducteur de Tinariwen. Le nom originel de ce groupe, qui raconte dans sa musique un pan décisif de l’histoire de son peuple, est Taghreft Tinariwen, qui signifie «l´édification des pays ».

Depuis 30 ans, Tinariwen chante sur fond de guitare électrique en tamasheq (la langue touareg). Ibrahim Ag Alhabib, dit Abreybone d’une part,  et Alassane Touhami, dit Abin-Abin d’autre part, en sont les deux membres fondateurs. A la fois chanteurs, guitaristes, compositeurs et interprètes, ils ont presque le même profil, Abin-Abin étant en outre percussionniste. Nés respectivement en 1958 et 1959, ils sont aussi les deux ainés du groupe. A leurs côtés, d’autres personnes nées entre 1968 et 1982, dont Wounnou Wallet Oumar et Mina Wallet Oumar, deux sœurs qui font du chant et de la percussion.

C’est pour son 5ème album dénommé “Tassili” (Anti-Records/août 2011) que le groupe vient de décrocher la prestigieuse récompense du Grammy Award. Avant d’avoir une renommée sur le plan international et de pouvoir écumer les scènes du monde, Tinariwen a d’abord jeté son dévolu sur les fêtes et les mariages dans la région du Sahel. Il a su revisiter son style, l’a travaillé en ajoutant à la tradition une bonne dose de modernité. Le succès est là, le groupe participe à la mise en lumière de la richesse culturelle du peuple touareg.

La nouvelle rébellion touareg

Le 17 janvier dernier, des combats ont éclaté entre l’armée malienne et un groupe de rebelles touaregs à Ménaka dans le nord du Mali, près de la frontière avec le Niger. C’est le Mouvement national de libération de l’Azawad (Mnla), apparu il y a un an de cela, qui mène la fronde contre les forces armées maliennes. Il réclame l’autodétermination de la région de l’Azawad, qui représente la totalité du nord du Mali. Cette nouvelle rébellion intervient, après deux autres qui ont été déclenchées en 1963 et au début des années 90. Outre cela, le pouvoir malien était déjà confronté dans la même région aux activités d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). La confrontation militaire avec le Mnla, soupçonné de s’être allié avec Aqmi, a entrainé la fuite des dizaines de milliers de personnes vers le Niger, la Mauritanie et le Burkina-Faso.

Aussi les touaregs vivants à Bamako, la capitale malienne, ou d’autres personnes ayant la peau claire, ont été victimes ces dernières semaines de déni de faciès. Les auteurs de ces actes s’en prennent notamment à eux à cause de la vaste offensive militaire lancée par le Mnla au cours de laquelle plusieurs soldats maliens ont déjà perdu la vie. La rébellion rend d’ores et déjà impossible la tenue sur tout le territoire maliens des élections générales prévues pour le mois d’avril. Ahmadou Toumani Touré, l’actuel président malien dont le second et dernier quinquennat s’achève dans quelques semaines, connait donc une fin de mandat difficile.

Les membres de Tinariwen qui vivent toujours dans le nord du Mali, postaient le 8 février dernier, le message suivant sur leur page Facebook : « Bonjour tout le monde, quelques temps après que la rébellion a éclaté la semaine dernière, beaucoup d’entre nous ont fui les villages pour éviter les combats entre les rebelles et l’armée malienne. Nous sommes réfugiés ici dans la nature, depuis quelques jours, avec des femmes, des enfants et des vieilles personnes (…). Continuez de nous soutenir. Nous souhaitons de tout cœur que les choses s’arrangent. »

(Avec France 24)