Claude Danglot : «Il faut mesurer la toxicité d’eau, pas seulement son respect des normes»

Selon Claude Danglot, médecin et ingénieur hydrologue, il faudrait maintenant étudier la toxicité de l’eau potable et ne pas se contenter, comme aujourd’hui, de savoir si elle respecte les normes de potabilité. La méthode existe, mais pas la « volonté politique » de l’utiliser. Trop fiable, sans doute.


Claude Danglot, ancien directeur au Crecep,
était par ailleurs membre de la CGT Paris et
du Collectif pour la remunicipalisation
de l’eau à Paris.

« Contrairement à ce qui est souvent affirmé, la qualité des eaux n’est pas terrible en France, s’exclame Claude Danglot, aujourd’hui à la retraite. En effet, on cherche seulement à s’assurer que les niveaux de pollution restent en deçà des normes de potabilité. Mais on n’étudie jamais sa toxicité ! 

« J’étais naïf, regrette-t-il en parlant de l’époque où il dirigeait la recherche en biologie au Laboratoire (public) de contrôle et de recherches des eaux de Paris (Crecep). Alors que nous avions mis au point une méthode rapide, reproductible, très fiable et très sensible, pour déterminer la toxicité de l’eau, nous n’avons pas été suivis. La méthode, testée sur les eaux potable, d’aqueducs, de rivière ou industrielles, et largement validée, n’est pas entrée dans la batterie des tests courants. Elle est restée lettre morte. J’ai compris, bien tardivement, que personne ne s’intéressait à vérifier effectivement la toxicité de l’eau potable. Pas même le ministère de la santé ! On dépense beaucoup d’argent et d’énergie pour rechercher un certain nombre de polluants, de façon à être en règle avec la réglementation. On fait de gros efforts pour déceler des traces d’Escherichia coli, alors qu’on est pratiquement sûr de ne pas en trouver. Et ainsi sur plusieurs paramètres distincts. En fait, l’eau distribuée est juste au niveau des normes mais ces normes sont seulement des limites inférieures de potabilité. Notre méthode, normalisée au niveau communautaire depuis plus de trente ans, constitue un test d’alerte très efficace. Trop, sans doute ! Car, en ayant recours à elle, on s’apercevrait que beaucoup de nos eaux de robinet, déclarées potables, ont en réalité des impacts biologiques non négligeables. Donc on préfère ne pas en mesurer la toxicité… » 

C’est donc à un véritable changement de paradigme – la mesure de la toxicité globale d’une eau plutôt que l’analyse systématique d’un certain nombre de paramètres – qu’en appellent Claude Danglot et le Criieau afin de mieux protéger la santé des consommateurs buveurs d’eau.

La méthodologie de l’« inhibition de la synthèse de l’ARN »

Dans le cadre des recherches du Crecep, et sous la direction de Claude Danglot, Christine Fauris mis au point « un test reposant sur l’inhibition des vitesses de synthèse d’ARN de cellules humaines en présence de toxiques. Ce test quantitatif est reproductible, rapide et très sensible puisqu’il ne nécessite pas de phase de concentration des toxiques en solution. L’étroite corrélation établie avec un autre test basé sur l’inhibition d’ancrage cellulaire montre que cette mesure correspond à un réel phénomène de morbidité cellulaire et constitue un outil sanitaire très fiable ».


L´écart entre les deux courbes traduit le mauvais état cellulaire de l´échantillon.

Dit autrement, la mesure de la vitesse de synthèse d’ARN consiste à incuber des cellules humaines (HeLa S3) dans un milieu de culture reconstitué avec l’eau à tester (échantillon). Parallèlement, on place un prélèvement de cellules humaines dans un autre milieu de culture (témoin) contenant de l’eau pure. Après 20 heures d´incubation, on compare leur vitesse respective de synthèse d’ARN : la différence constatée indique un pourcentage de cytotoxicité. Celle-ci est déterminée en mesurant la vitesse d´incorporation d´un traceur radioactif, l´uridine tritiée, dans l´ARN cellulaire.

« A toutes les étapes de production d’eau potable, le test de cytotoxicité basé sur la vitesse de synthèse d’ARN fournit de précieux renseignements grâce à son caractère global et à sa sensibilité. Basé sur la morbidité cellulaire, il ne nécessite en effet pas de phase de concentration des toxiques en solution dans l´eau. De plus, la rapidité de sa réponse et l’excellente précision des résultats, qui évite de complexes interprétations statistiques, lui confèrent un intérêt indéniable pour la  mesure des fluctuations relatives de la toxicité d’un milieu.

« Le test s’applique à tous les types d’eaux, eaux potables et eaux polluées, eaux douces et eaux marines, eaux embouteillées et eaux de dialyse rénale. Il est un outil complémentaire des analyses chimiques dans l’aide à la protection de l’environnement ».

> Extraits de “Évaluation globale de la microtoxicité des eaux“, par Christine Fauris (Crecep), dans Spectra 2000 – N° 167 – Août-septembre 1992.

> Voir aussi : Un Comité indépendant d’information sur l’eau en préparation.

Pour aller plus loin :

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1 commentaire pour cet article

  1. Des vérités qu´igepac répète inlassablement. ( Merci pour cet article que je republierai certainement. )

    On doit analyser ce que contient l´eau et non satisfaire à grands frais des réglementations inadaptées au terrain.

    ” TOUT le monde s´en FOUT ” c´est bien vrai et ce, pour toute la gestion de l´eau et de l´assainissement. L´essentiel est d´hurler que tout va bien et pour preuve, on n´a jamais vu un citoyen mourir foudroyer en buvant un verre d´eau.

    La machine infernale tourne avec la ressource inépuisable de millions d´euros pris dans la poche du contribuable-usager. Cette machine que l´on appelait autrefois “service publique”.