Ecologie

Le Bénin croule sous le poids des déchets électroniques

Martin Aïna, enseignant-chercheur en eau et assainissement, est l’auteur du rapport technique sur les mouvements transfrontières et la gestion des déchets d’équipements électriques et électroniques (Deee) au Bénin.


Le tri des déchets de téléphones portables dans un atelier de dépollution à Cotonou.
Photo : clicvert.

Que pouvons-nous retenir essentiellement de ce rapport ?

– De façon globale, nous avons constaté qu’il y a des milliers de tonnes d’équipements électriques et électroniques (Eee)  qui atterrissent sur le territoire béninois. De 2004 à 2006, environ 5000 à 6000 tonnes de déchets arrivaient par an sur le territoire béninois. Grâce à des traceurs que nous avons identifié, nous avons pu suivre ces équipements jusqu’au dépotoir sauvage et en décharge. Ainsi, nous avons différencié quatre types d’équipements. D’abord il y a les gros que sont les frigos, les congélateurs, les cuisinières et autres ; ensuite il y a les petits appareils ménagers (micro-onde, chauffe-eau, cafetière, etc.), les équipements informatiques et télécommunications que sont entre autres, les téléviseurs et les ordinateurs. Enfin, nous avons les équipements que tout le monde utilise, c’est-à-dire les rasoirs, les téléphones et les lampes torche à titre d’exemple. Mais en 2007, nous sommes passés à plus de 8000 tonnes d’Eee, parce que le gouvernement béninois a décidé de supprimer toutes les taxes qu’il prélevait sur ces équipements, car il voulait faire du Bénin « le quartier numérique de l’Afrique ». En plus de ceux qui commercialisaient déjà ces produits, beaucoup d’autres personnes, principalement des occasionnels, ont saisi cette aubaine. C’est pourquoi bon nombre des véhicules d’occasion qui étaient importés par le port de Cotonou étaient remplis d’ordinateurs et de téléviseurs. En effet, beaucoup de gens ont dit à leurs parents qui étaient en Occident, qu’il n’y avait plus de taxe sur ces équipements et qu’ils pouvaient les envoyer. Dès lors, le Bénin a été encore plus submergé par ces équipements de 2ème main, 8500 tonnes en 2007. Après,  il y a eu une chute parce que les occasionnels se sont retirés, et nous sommes revenus en 2009 et 2010 autour de 5000 à 6000 tonnes de déchets.

– Quelles conséquences sur l’environnement ?


Tri visuel des déchets chez un revendeur. Photo : clicvert.

– Ces équipements de 2ème main se retrouvent très tôt sur les dépotoirs ou les décharges. L’eau de pluie lessive tous les métaux lourds qu’ils contiennent, et cela entraine la pollution  de la nappe phréatique. S’il y a éventuellement à côté des gens qui font du maraichage, les produits maraichers sont directement contaminés. Aussi, bien que la majorité des gens qui travaillent sur ces décharges sauvages ait entre 40 et 45 ans, il y a parmi eux des jeunes, dont des enfants de 10 à 15 ans. Ils suivent leurs parents ou des frères qui viennent du nord du Bénin ou du Niger.  A force de casser, d’inhaler des gaz et de brûler des plastiques, ils sont tellement exposés qu’il y a eu des cas de décès parmi eux. Nous n’avons pas pu faire un lien direct, parce que ces personnes n’ont pas été autopsiées. Mais nous savons que cette exposition permanente est nuisible pour leur santé.

– Comment mieux contrôler l’importation de ces équipements de 2ème main ?

– Il faut renforcer la police environnementale, en lui donnant les moyens de contrôler ces équipements qui arrivent au Bénin. Il y a des multi-paramètres à sondes, qui permettent de détecter leur présence et celle des métaux lourds et des gaz qu’ils contiennent. Il faut aussi former les agents de la police environnementale, tout en recrutant d’autres afin de mieux contrôler nos différentes frontières car elles sont très perméables. Nous avons ainsi constaté que le nombre des équipements usagers qui entrent par les postes de frontière officiels est moins élevé que ce que les gens font entrer au Bénin par des chemins détournés. Au finish, la police environnementale doit être formée et équipée afin de mieux quadriller nos frontières et pour qu’on soit sûr de l’état des Eee qui sont importés au Bénin.

– Quelles sont les solutions pour améliorer la situation ?


Un collecteur de téléphones mobiles usagés
sur sa moto. Photo : clicvert.

– Quand ils sont achetés à l’état neuf en Occident, des taxes sont prélevées pour la future destruction de ces équipements, qui nous viennent ici à l’état de 2ème main. Dans notre étude, nous avons identifié la part de marché des sociétés qui les produisent et les exportent au Bénin. Avec ces données, le gouvernement béninois peut les contacter, afin de les informer du nombre de tonnes de leurs équipements que le Bénin a reçues. A partir de ce moment, ces producteurs et le gouvernement peuvent se mettre ensemble pour créer une société de recyclage et de démantèlement, et ce dans le cadre d’une négociation sanctionnée par la signature d’un contrat entre les deux parties. Cela générera des fonds pour la gestion des déchets. Sur le plan social, elle permettra la création de milliers d’emplois, avec le recrutement de jeunes techniciens et de ceux qui font aujourd’hui un recyclage artisanal, ou trainent des charrettes dans les villes du Bénin en recherchant des Eee. Toutes ces personnes seront intégrées dans une chaine de production, et à terme l’environnement sera mieux protégé.

L’afflux des déchets européens aggrave la situation

Intitulé : « Deee ? Où en sommes-nous en Afrique ? », ce rapport a été publié récemment par l’Onu. Il y est notamment abordé les dangers liés aux déchets d’équipements électriques et électroniques (Deee) dont l’Afrique de l’ouest est de plus en plus inondée. L’enquête faite au Bénin, en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Libéria et au Nigéria, révèle que des substances dangereuses sont rejetées lors des différentes opérations de démontage et qu’elles font peser de graves risques pour la santé des populations en général. Elle est basée, sur les conclusions des évaluations nationales des déchets électroniques réalisées dans ces cinq pays entre 2009 et 2011. Chaque année, ils produisent entre 650000 et 1000000 de tonnes de déchets d’équipements électriques et électroniques, car ceux-ci s’y répandent très vite. A titre d’exemple, le taux de pénétration des PC y a été multiplié par 10 au cours des dix dernières années, tandis que le nombre des abonnés des opérateurs Gsm a été multiplié par 100. L’afflux des déchets européens en provenance notamment du Royaume-Uni, de la France et de l’Allemagne vient aggraver la situation que ce rapport de l’Onu décrit. Ces pays sont ainsi les principaux exportateurs d’équipements électriques et électroniques neufs et usagers en Afrique. Bien qu’ils soient dangereux à manipuler, ces déchets représentent une source de revenus pour des milliers de personnes. Ainsi à Accra (Ghana) et à Lagos (Nigéria), le ramassage et la remise en état de déchets sont une activité qui nourrit plus de 30000 personnes.

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1 commentaire pour cet article

  1. Bonsoir, je suis étudiant en géographie à l’UAC en année de maîtrise. Mon sujet de mémoire porte sur les DEEE et c’est lors de mes recherches sur le net que je suis tombé sur votre article qui m’a vraiment intéressé . Je voudrais ce pendant avoir vos coordonnées pour pouvoir rentrer en contact avec vous . Merci
    JE SUIS AU 96997447_ 98437412