L’État soutient fortement les médias et la presse

Avec un montant de 1,8 milliard d’euros pour 2010, l’aide aux médias et à la presse décidée par le gouvernement atteint un niveau important. Elle mériterait plus de transparence sur ses bénéficiaires. Un récent rapport propose de la conditionner.


Photo: Cuej-Strasbourg.

Chaque année, le projet de loi de finances détaille le montant des crédits alloués aux différents secteurs d’activité du pays. Dans l’annexe concernant la mission « Médias » du ministère de la culture, figurent les chiffres de ces aides accordées aux médias, dont la presse écrite (papier et internet) : 1813,5 M€ au total pour 2010.

– Programme « Presse » en 2010 : les crédits enregistrent une hausse de près de 51% par rapport aux crédits inscrits en loi de finances pour 2009, soit 419,3 M€ (416,3 M€ après le vote effectif de la loi) en 2010 contre 277,7 M€ en 2009. Ce chiffre se décompose en 113,4 M€ pour les abonnements de l’État à l’Agence France Presse (AFP) et 305,9 M€ d’aides à la presse (voir encadré).

À ce montant, il faut ajouter environ 200 M€ d’aides indirectes (dépenses fiscales sur impôts d’État) : taux de TVA de 2,10 % applicable aux publications de presse ; réduction d’impôt pour souscription au capital des sociétés de presse ; déduction spéciale prévue en faveur des entreprises de presse. La presse des collectivités locales bénéficie également de ce dispositif à hauteur de 1 M€.

Il faut aussi ajouter le déficit supporté par La Poste, 399 M€ en 2008, pour le transport de la presse d´information générale.

Enfin, aux journalistes est accordée une « allocation forfaitaire pour frais d’emploi » d’un montant de 7650 € à déduire de leurs revenus imposables. Soit au minimum 20 M€ de manque à gagner pour l’Etat.

Au total, donc, l´argent public se monte à 1055,9 M€ pour la seule presse écrite.

– « Contribution au financement de l’audiovisuel » : 497,9 M€.

– « Action audiovisuelle extérieure » (Radio France Internationale (RFI), France 24 et TV5 Monde) : 199,1 M€.

– « Soutien à l’expression radiophonique locale » : 29 M€ contre 26,5 M€ pour 2009, pour soutenir essentiellement les besoins nouveaux liés au lancement de la radio numérique.

Enfin, pour être complet, il faut rajouter les 15,6 M€ de dotation pour Public Sénat et les 16 M€ pour la Chaîne parlementaire-Assemblée nationale.

Le détail des aides à la presse par l’État

 Aides à la diffusion

– Aide au transport postal de la presse d’information politique et générale : afin de « compenser les surcoûts de la mission de service public de transport postal de la presse, l’État s’engage à apporter à La Poste une contribution annuelle de 242 M€ en 2009, 2010 et 2011 ». Au total, après perception de cette contribution versée par l’Etat, le déficit supporté par La Poste en 2008 s’est élevé à 399 M€.

– Réduction du tarif SNCF pour le transport de presse : 5,8 M€.

– Distribution et promotion de la presse française à l’étranger qui contribue au « rayonnement de la pensée et de la culture françaises » : 1,9 M€. Les bénéficiaires de cette aide sont des éditeurs particuliers (une trentaine), des organismes collectifs de promotion des ventes ou des sociétés de messageries.

– Portage de la presse : la dotation de l’aide est passée en 2009 de 8, 2 M€ à 70 M€ à l’issue des États généraux de la presse. Le nombre de bénéficiaires est ainsi passé de 63 en 2008 à 126 en 2009, nombre qui devrait encore augmenter en 2010.

– Exonération des charges patronales pour les vendeurs-colporteurs et porteurs de presse : compensation à la sécurité sociale estimé à 12 M€.

Aides au pluralisme

– Quotidiens nationaux d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires : 9,2 M€.

– Quotidiens régionaux, départementaux et locaux d’information politique et générale à faibles ressources de petites annonces : 1,4 M€.

– Presse hebdomadaire régionale : 1,4 M€.

Aides à la modernisation

– Modernisation sociale de la presse quotidienne d’information politique et générale : 22,7 M€. Le nombre d’allocataires prévus en 2010 s’élève à 350 pour la presse quotidienne nationale et à 1100 pour la presse quotidienne en régions.

– Distribution de la presse quotidienne nationale : 12 M€.

– Modernisation des diffuseurs de presse : 13,3 M€.

– Développement des services de presse en ligne : 20,2 M€.

– Modernisation de la presse quotidienne et assimilée d’information politique et générale : en 2008, 64 projets ont été aidés par le fonds. Le montant moyen des aides s’est élevé à 340 090 €. Total pour 2010 : 25 M€.

> Si l’on additionne ces montants, on obtient 436,9 M€ et non les 419,3 M€ indiqués plus haut. La différence s’explique par le fait qu’une partie de l’aide au transport postal de la presse est prise en charge par un ministère (les finances) autre que celui de la culture.

Comme le souligne Etienne Chantrel, chargé de mission à la direction générale du Trésor et de la politique économique du ministère de l’économie, dans un document de travail intitulé Quelques éléments de réforme du secteur de la presse en France, « l’évaluation des aides publiques à la presse est difficile.  Si les aides directes sont répertoriées de manière précise dans la loi de finances, les aides indirectes (notamment les dépenses fiscales) ne sont disponibles que sous forme d’évaluations issues de diverses sources (rapports parlementaires, analyses économiques…) ».

Il retient pour sa part, et pour la seule presse d´information, le chiffre de 1,244 milliard d´euros, soit 190 millions d´euros de plus que notre estimation.

Un sujet sensible

Les éditeurs ont toujours refusé de publier le montant des subventions qu’ils reçoivent. Le ministère de la culture dit « respecter » ce désir de discrétion, bien qu’il soit plutôt favorable à la transparence de ces chiffres. En effet, selon lui, cette opacité n’est « pas forcément justifiée » et ne pourra pas durer éternellement.

En effet, de nouveaux venus sur le terrain médiatique n’ont pas les mêmes réticences et pourraient faire évoluer les choses. Un certain nombre de pure players sur internet ont souhaité, par exemple, que les aides accordées aux nouveaux services en ligne soient rendues publiques, nominalement. Après discussion entre éditeurs avec le ministère de la culture, la publication de ces chiffres a été actée mais seulement par famille de presse ou nature de projets. Chaque titre est laissé libre de publier ou non ce qu´il reçoit lui-même.

Les fonds distribués étant de l’argent public, le secret ne peut juridiquement pas être opposé aux demandes d’information. C’est ainsi qu’après avoir saisi la commission d’accès aux documents administratifs (Cada), le site du journalisme digital OWNI s’est procuré des documents inédits. Sur plusieurs pages sont révélées les récipiendaires, la nature des projets financés depuis 2003, ainsi que les comptes rendus des réunions de la commission chargée de distribuer ces fameuses aides à la presse. Le site a ouvert sur ce thème une enquête crowdsourcée (contributive) en faisant appel aux internautes. Vous pouvez retrouver la totalité des documents en leur possession.

>> Aldo Cardoso, PDG par interim d´Andersen, propose de conditionner les subventions de l´Etat. Commandé à l´issue des Etats généraux de la presse en 2009, son rapport a été remis le mercredi 8 septembre aux ministres du budget et de la communication, François Baroin et Frédéric Mitterrand. Il propose de conditionner les subventions de l´Etat. L´objectif est de sortir le secteur du “système d´assistance respiratoire permanente”.

>> Voir également le commentaire de JL ML sur ce rapport (sur son blog).

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