Découverte

L’hydrogène naturel, une énergie miracle ?

L’IFPEN (Institut français du pétrole - Energies nouvelles) a annoncé le 11 avril 2013 le lancement d’un programme de recherche sur le potentiel d’exploitation industrielle d’hydrogène naturel. C’est la suite logique de travaux exploratoires qui ont montré que de l’hydrogène suintait un peu partout de la croûte terrestre, et pas seulement des dorsales océaniques.


Les émanations naturelles d’hydrogène forment des structures circulaires visibles sur les images satellites.
La région de Lipetsk, à 450 km au Sud de Moscou (Google maps).

On pensait jusqu’alors que la terre ne recelait pas d’hydrogène. Tout l’hydrogène qui est utilisé aujourd’hui, essentiellement par l’industrie chimique, est fabriqué à partir du gaz naturel (méthane – CH4), au prix d’émissions importantes de CO2. L’hydrogène fait aussi l’objet de nombreuses recherches et spéculations en tant que vecteur d’énergie, dans le cadre de ce que Jeremy Rifkin a appelé l’économie hydrogène. L’hydrogène, obtenu par électrolyse de l’eau, servirait à stocker l’électricité produite de manière intermittente (éolien et solaire par exemple). Ensuite, il pourrait être utilisé soit comme carburant, soit converti en électricité dans des piles à combustible pour, par exemple, faire fonctionner des voitures électriques.

La faisabilité technique de l’économie hydrogène est démontrée, elle a même à son actif un certain nombre de réalisations, mais elle est loin d’avoir atteint son seuil de rentabilité.

Le décollage de l’hydrogène ?

L’annonce de l’IFPEN pourrait changer la donne. Car si l’on savait capter ou extraire l’hydrogène naturel secrété par la terre, on disposerait là d’une énergie sans émissions de CO2. Et qui plus est renouvelable, car il semblerait que l’hydrogène naturel soit issu d’un phénomène continu lié à la dynamique de la terre. Par ailleurs, l’intérêt de l’économie hydrogène en serait renforcé.

L’origine de l’hydrogène naturel fait polémique

L’origine de l’hydrogène naturel détecté sur les continents reste largement inexpliquée. L’IFPEN privilégie deux pistes :

– l’oxydation par l’eau des roches riches en fer (sous forme réduite)
– un dégazage continu de la planète, ce qui bouleverserait la conception usuelle de la composition chimique de l’intérieur des planètes terrestres.

Cette dernière hypothèse redonnerait vigueur à la théorie de la terre hydrurée de Vladimir Larin. Ce géologue russe, dont les observations d’émanations d’hydrogène remontent à 1968 et avec lequel collabore l’IFPEN, a fait l’hypothèse que la terre serait composée d’une partie interne où dominent les hydrures, entourée d’une carapace externe où dominent les oxydes. Sa théorie fait l’objet d’une guerre d’édition sur wikipedia. La page terre hydrurée a été supprimée sur le wikipedia anglophone, mais subsiste sur le wikipedia russophone. Sur la version francophone, elle a été supprimée puis réécrite et fait à nouveau l’objet d’une demande de suppression.

Même si l’IFPEN est prudent, déclarant que « le chemin est encore long avant d’envisager une production industrielle de grande ampleur », cette annonce risque de renforcer l’attentisme face aux défis du réchauffement climatique. De différer la mise en œuvre de solutions prouvées dans l’espoir hypothétique d’une solution meilleure. Et ce n’est là qu’un des risques recensés par hyperdebat : énergie miracle, un bien ou un mal ?

Les promesses de l’hydrogène naturel

L’hydrogène naturel est-il un bon candidat au titre d’énergie miracle ? Est-il abondant, sans risques, non polluant et bon marché ?

Abondant ?

Les premiers travaux d’IFPEN ont confirmé l’existence de flux localement importants d’H2 sur les plus grands massifs de péridotites, à l’échelle mondiale ; mais surtout ils ont démontré l’ubiquité de flux d’hydrogène en zone intraplaque (à l’intérieur d’une plaque tectonique). Diffus sur la plupart des sites, ces flux présentent localement des accumulations substantielles. Le nouveau programme va évaluer les parties les plus anciennes des continents, les cratons, qui couvrent des surfaces très importantes sur la planète et dont le potentiel de production est intéressant. Mais on ne dispose d’aucune évaluation chiffrée des ressources.

 Les grandes régions géologiques. Les cratons apparaissent en orange


Les grandes régions géologiques. Les cratons apparaissent en orange (Wikimedia commons).

Sans risques ?

L’hydrogène ne présente aucune toxicité, mais :

  • Son extraction pourra-t-elle se faire comme annoncé, sans toutes les conséquences dommageables de l’extraction du gaz de schiste ?
  • C’est un gaz hautement inflammable et explosif. L’industrie sait le manipuler, comme elle sait manipuler le gaz naturel depuis plus d’un siècle. Mais on oublie un peu trop que ce dernier est encore à l’origine d’accidents graves et récurrents.

Non polluant ?

La combustion de l’hydrogène est certes non polluante, puisqu’elle ne produit que de l’eau, et c’est là son point fort. Mais il faut prendre en compte toutes les pollutions, de l’extraction à l’utilisation, dont il est difficile à ce stade de faire un bilan.

Bon marché ?

« Diffus dans la plupart des sites, ces flux présentent localement des accumulations substantielles. Les différents fluides naturels étudiés peuvent présenter plus de 80 % d’H2. Ce gaz est associé à du méthane, parfois à de l’azote, et localement à de l’hélium en quantités économiquement exploitables (alors que l’approvisionnement mondial en ce gaz rare qui trouve des applications de haute technologie est par ailleurs très tendu actuellement) », selon l’IFPEN.
Il est prématuré d’estimer un coût. Il dépendra de nombreux facteurs que le programme de recherches de l’IFPEN se propose d’évaluer.

>> Pour aller plus loin : L’hydrogène naturel. La prochaine révolution énergétique ? Une énergie inépuisable et non polluante, ça existe ! Alain Prinzhofer et Eric Deville, Belin (2015), 160 p

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