Maputo : de petits opérateurs montent un service alternatif

Dans la banlieue mal desservie en eau de Maputo, au Mozambique, des petits opérateurs privés (POP) indépendants fournissent un service alternatif et innovant à plus de 200 000 habitants. Fonctionnant sans autorisation, ils pourraient, à terme, intégrer le service de l’eau.


 

 

 

Un modèle technique original et très compétitif : des réservoirs modulaires sur structure métallique ou en béton armé, qui permettent des coûts d’investissement et de fonctionnement réduits.

  Crédit : Emmanuel Chaponnière, Hydroconseil

A côté des grandes compagnies et des systèmes conventionnels de distribution d’eau peuvent exister des démarches plus souples, moins coûteuses et plus adaptées à la situation des agglomérations des pays en développement. Exemple à Maputo. Dans les quartiers périphériques de la capitale du Mozambique, qui accueillent la majorité de la population, l’organisation urbaine et la couverture en services publics sont assez faibles, notamment en ce qui concerne l´eau et les transports.

L´approvisionnement en eau de la ville est en partie assuré par un réseau dont les infrastructures sont la propriété de l´État qui en a délégué la gestion à une société de patrimoine (qui détient les infrastructures), le Fipag. L´exploitation des infrastructures est déléguée à un opérateur international, Aguas de Moçambique (AdeM) qui détient 35 % du marché de l´eau dans l´agglomération. On estime qu’environ un quart de la population s’approvisionne en eau potable à travers la revente de voisinage des abonnés d´AdeM, mais aussi à partir de connexions clandestines au réseau.

Une forme de reconnaissance officielle

Aujourd’hui, les POP sont partie prenante d’un projet financé par la Banque européenne d’investissement, l’Union européenne, l´Agence française de développement (AFD) et la coopération hollandaise. Ce projet est mis en œuvre par le Fipag (société de patrimoine) avec l´assistance technique d´Hydroconseil.

Trois axes de développement sont poursuivis :

  • la reconnaissance formelle de l´activité des POP au moyen d´une licence de distribution d´eau potable. Cette licence crée un premier cadre « léger » de régulation. Pour l´instant, le seul critère technique retenu pour l´obtenir est la qualité de l´eau distribuée;
  • l´augmentation du niveau de couverture des POP existants : une subvention indexée sur les résultats est mise en place. Elle permet à l´opérateur d´augmenter sa clientèle tout en connectant les usagers les plus défavorisés ;
  • la mise en place d´infrastructures dans les zones faiblement desservies : ces infrastructures sont propriété du Fipag  mais reposent sur les mêmes principes que les systèmes construits par les POP (forage, château d´eau et réseau). Leur gestion est déléguée à des POP sélectionnés sur la base d´un appel d´offres.

Le Fipag profite de cette dynamique initiale pour développer lui aussi le service de l´eau dans les zones périurbaines en s´inspirant directement du modèle développé par les POP. Pour ces derniers, c’est une forme de reconnaissance de leur contribution importante au service de l´eau dans l´agglomération.

Peu à peu, d´autres opérateurs, indépendants, se sont développés, principalement dans les quartiers périurbains les moins bien desservis. Ces petits opérateurs privés, les POP, relèvent du secteur informel (non reconnu officiellement). 450 POP recensés à Maputo distribuent une eau produite par des forages à 38 000 foyers environ et 320 bornes-fontaines. Leur part de marché atteint également 25%. Le reste de la population s´approvisionne en eau à partir de puits ou de forages privés. Selon Emmanuel Chaponnière, de la société Hydroconseil, ces petits opérateurs disposent de leurs propres forages, sont indépendants de l´opérateur dominant et fonctionnent sans autorisation.

Leurs infrastructures vont du système modeste (forage + pompe alimentant un château + distribution par gravité) au système plus sophistiqué (+ pompe pour garantir la pression minimale dans le réseau). Pour la distribution, certains POP proposent la “connexion spaghetti” : le client fournit le matériel nécessaire à la connexion au château d’eau et supporte le coût des fuites éventuelles. Il est donc responsabilisé pour vérifier et informer l’opérateur. D’autres opérateurs livrent la connexion chez le client où est installé un compteur, comme sur le réseau officiel.

Un modèle technique original

Les POP de Maputo ont progressivement mis au point un modèle technique original, éprouvé par l´expérience. C’est un modèle modulaire, qui permet d’agrandir le réseau en suivant très précisément l´accroissement de la demande. Il permet aussi de réduire au minimum les coûts d´investissement et de fonctionnement. Il est donc très compétitif. Les POP investissent entre  8 000 $ et 20 000 $ dans un système (production, stockage et distribution), sans aucune subvention publique.

Beaucoup parmi les POP avaient une expérience dans le secteur minier en Afrique du Sud, qui leur a permis d´acquérir un bagage technique minimal (plomberie, électricité). Revenus au Mozambique pour leur retraite, ils disposaient d´économies qu´ils ont investies. Ils ont acheté un terrain dans la périphérie de Maputo, dans des zones d´expansion qu´ils ont ensuite équipées d´un forage pour accéder à l´eau. En principe, l´investissement initial n´est pas réalisé dans un but lucratif. Mais comme un forage produit plus d´eau que nécessaire pour une famille et que la demande du voisinage est forte, les POP ont saisi l´opportunité de marché qui s´offrait à eux…

(Source pS-Eau)

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