Les miracles de Jésus au risque de la parapsychologie

Dans « Jésus thaumaturge » (un thaumaturge est une personne qui accomplit des miracles), Bertrand Méheust confronte ce que l’on sait de Jésus au corpus des sciences psychiques sur les plus étonnants thaumaturges modernes. Explorant la frontière entre humain et divin, il revisite les miracles de Jésus, souvent escamotés par l’Eglise.

51zP2wj0ESLAlors que les miracles de Jésus occupent une place importante, pour ne pas dire centrale, dans les Evangiles et que, selon toute vraisemblance, ce sont ses pouvoirs extraordinaires qui attiraient les foules, cette dimension de Jésus a peu à peu été gommée, comme si elle était un obstacle à la diffusion de son enseignement.

Et pourtant, se demande Bertrand Méheust, comment expliquer autrement « la rapidité avec laquelle s’est propagé l’incendie chrétien » ? Comme le soulignent plusieurs chercheurs, cet essor brutal est d’autant plus surprenant qu’il s’est effectué à contre croyance, aussi bien dans le monde juif que romain.

Les miracles, objet de suspicion

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Bertrand Méheust (2015)

« De nos jours, les miracles, les religieux n’en veulent plus, et la science n’en veut pas, ou pas encore », constate l’auteur. L’exégèse moderne a en effet peu à peu rejeté les miracles de Jésus, alléguant qu’ils auraient été rajoutés au tableau par les Evangélistes dans un but apologétique. Seule subsiste, centrale pour les chrétiens, la résurrection du Christ, enchâssée dans un dogme élaboré au cours des siècles. L’Eglise est assez embarrassée par les miracles : « Elle qui a dénoncé la magie comme pratique païenne et l’a combattue au sein des populations qu’elle a voulu évangéliser, elle adore un magicien ! »

Quant à la science, elle rejette les miracles car ils ne sont pas reproductibles à la demande ! Il y a pourtant de véritables scientifiques qui ne refusent pas a priori d’étudier des phénomènes qu’ils ne comprennent pas. Se sont ainsi développées depuis le XIXe siècle les sciences dites psychiques qui étudient non seulement les phénomènes paranormaux, mais aussi les hommes et les femmes qui développent des pouvoirs qui défient la raison ordinaire.

Une démarche féconde

La grande originalité de la démarche de Bertrand Méheust, c’est qu’il prend au sérieux les résultats des sciences psychiques et les utilise pour aller plus loin. Il les considère comme solides, parfois même plus solides que ceux de la science académique qui n’est pas soumise à la même pression et donc pas toujours aux mêmes exigences méthodologiques (1).

Cette démarche, il l’avait déjà appliquée dans son précédent livre, Les miracles de l’esprit. Qu’est-ce que les voyants peuvent nous apprendre ? Ne plus perdre de temps à faire la preuve de la voyance, mais étudier les processus mentaux mis en œuvre, pour essayer d’améliorer notre compréhension de l’esprit.

Présentant son nouveau livre au Forum 104 à Paris, l’auteur tient au préalable à préciser sa position, ses convictions : « Famille catholique, éducation chez les Pères à l’ancienne, puis indifférence pour les choses religieuses. Reste une empreinte, un goût pour le paranormal qui m’a poussé à étudier le mesmérisme, la parapsychologie, la voyance, etc. Enfin, avec une maîtrise de philosophie sur la question de l’exégèse, je reviens à Jésus. La boucle est bouclée. Mon approche est celle d’une laïcité ouverte et bienveillante qui me permet de dialoguer avec toutes les parties ».

Un nouvel éclairage sur Jésus

La multiplication des pains. Gravure sur bois de Hanna Dallos (1933)

La multiplication des pains. Gravure sur bois de Hanna Dallos (1933)

Dans Jésus thaumaturge, Bertrand Méheust, s’appuie sur des études très documentées de thaumaturges des XIXe ou XXe siècles pour tester la véracité des récits rapportés par les Evangiles. Non sans un luxe de précautions… Et Jésus s’en tire plus que bien ! Non seulement il apparaît comme un thaumaturge authentique, aux comportements similaires à ceux des thaumaturges modernes, religieux ou laïcs, mais il les surpasse largement par la palette de ses pouvoirs : changer l’eau en vin, marcher sur l’eau, guérir les malades, ressusciter un mort, etc.

Il ressort même grandi de l’épreuve que lui fait subir l’ancien prof de philo, qui dit ne pas croire en grand-chose. Ce dernier montre en effet comment les miracles renforcent l’enseignement spirituel. Il faut lire les trois pages dans lesquelles il associe charisme et charité, deux mots qui ont la même racine, suggérant ainsi que les charismes de Jésus participent de la charité ou générosité divine.

Thaumaturge laïc et mystique à prodiges

Il y a plusieurs différences entre le thaumaturge laïc et le religieux, explique en substance Bertrand Méheust. Les phénomènes produits par les thaumaturges laïcs (télékinésie, vision à distance, guérison, lévitation, bilocation, etc.) sont bien documentés. Beaucoup d’entre eux ont accepté de participer à des tests et des expériences.

Le mystique religieux, lui, est comme un animal sauvage qu’on ne peut observer que dans son biotope et son histoire. Contrairement au thaumaturge laïc, on ne peut le faire entrer dans une cage pour l’étudier !

L’autre différence, et c’est particulièrement net chez Jésus qui a produit des phénomènes hors normes, c’est que le mystique à prodiges est habité par Dieu et que ses actes racontent une histoire et ont un sens d’édification et d’enseignement. La spécificité de Jésus c’est son calme, son assurance. Il n’est jamais en transe et est sûr de son geste. Pour l’auteur, le mystère le plus profond, c’est de savoir comment un homme d’apparence aussi équilibrée a pu se dire le Messie, le Fils de Dieu.

Le livre est dense – 379 pages serrées – mais accessible, malgré des redites et de trop nombreuses coquilles d’édition. Outre le sujet annoncé par le titre, il dresse un riche panorama de ce que l’on sait aujourd’hui de Jésus et expose les thèses, peu connues, de quelques historiens ou théologiens dissidents.

Jésus thaumaturge – Enquête sur l’homme et ses miracles. Betrand Méheust, InterEditions (octobre 2015), 23,90 €

Jean-Luc Martin-Lagardette a participé à la rédaction de cet article et pris les photos à la conférence de Bertrand Méheust organisée le 11 décembre 2015 par l’Institut métapsychique au Forum 104 à Paris.

(1) Une collaboration internationale de 270 chercheurs a mené une expérience originale : tenter de reproduire cent expériences publiées en 2008 dans trois journaux réputés de psychologie sociale et cognitive. En pratique, le verdict est sévère : 39 % seulement des effets rapportés ont pu être reproduits. Et ceux-ci, quand ils étaient bien là, sont moitié plus faibles dans les « copies » que dans les « originaux ».
La recherche en mal de contrôle qualité, Le Monde, 2/09/2015

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3 commentaires pour cet article

  1. Ping : Les miracles du Christ et ceux des guérisseurs : quelle différence ? | Débredinoire

  2. J aimerais savoir s il y a des etudes scientifiques sur la Passion physique du Christ ?
    Sur les conditions de la mort , de la resurrection, de l imagerie …etc
    Il y a des versions medicales en tout cas .