Un aveugle franchit des obstacles sans encombre

Une étude publiée par Current Biology décrit le cas, encore mystérieux, d’un aveugle parvenant à franchir sans trébucher un parcours d’obstacles.

Il s’appelle TN. Il est complètement aveugle. Victime de deux attaques successives à l’origine de dégâts importants des deux côtés du cerveau, son cortex visuel (la région du cerveau chargée du traitement des informations visuelles) ne fonctionne plus. Il se déplace généralement  à l’aide d’une canne pour détecter les obstacles et a besoin de l’assistance d’une autre personne lorsqu’il marche près d’obstacles, des bâtiments, par exemple.

Au cours d’une expérience récente (1), des chercheurs ont réalisé un parcours d’obstacles complexe dans un couloir en utilisant des chaises et des cartons. TN devait marcher dans le couloir, sans sa canne ni l’assistance d’une tierce personne. Le couloir était calme et peu fréquenté, et ni TN ni la personne qui l’accompagnait pour des raisons de sécurité n’ont fait de bruit, excepté celui de leurs pas.

Chose incroyable, TN a réussi à faire le parcours parfaitement, sans se cogner ou toucher un seul obstacle. Arrivé au bout du labyrinthe, plusieurs témoins ont spontanément applaudi l’exploit.

Comment a-t-il pu terminer ce parcours d’obstacles sans incident ? La possibilité que TN réussisse sa course en utilisant le phénomène de l’écholocation (la réverbération des ondes sonores sur des objets proches) ne peut être éliminée. Toutefois, le silence qui régnait au cours de l’expérience la rend inexplicable.

Le cas de TN inspire les chercheurs qui cherchent une alternative aux voies visuelles cérébrales. Il montre que les personnes sont capables de s’orienter et d’éviter des obstacles sans accorder une attention particulière consciente ou sans réellement voir ces obstacles. Selon le Dr Beatrice de Gelder, de l’université de Tilburg, aux Pays-Bas, « c’est une partie de notre vision qui nous permet de nous orienter et d’interagir avec le monde, et non de comprendre. Nous utilisons constamment des ressources insoupçonnées de notre cerveau et faisons des choses que nous ne pensons pas être capables de faire ».

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(1) L’étude, publiée dans la revue Current Biology, a été partiellement financée au titre du sixième programme-cadre européen (6e PC), dans le cadre du thème Sciences et technologies nouvelles et émergentes. Une équipe de chercheurs originaires des États-Unis, d’Italie, des Pays-Bas, du Royaume-Uni et de Suisse a étudié le comportement et l’activité physique de TN, en utilisant des techniques d’imagerie cérébrale anatomique et fonctionnelle telles que l’IRM de diffusion (ou DTI pour «diffusion tensor imaging»), la cartographie rétinotopique, ainsi que des tests informatiques périmétriques et psychophysiques.

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2 commentaires pour cet article

  1. Jacques Lusseyran, devenu aveugle accidentellement à l´âge de 8 ans, relate dans “Et la lumière fut”, que quelques jours après son accident, il recouvra une vue “intérieure”. Il eut cette révélation au Champ de Mars où il se promenait avec son père.

    « On me disait qu´être aveugle, cela consistait à ne pas voir. Je ne pouvais pas croire les gens, car moi je voyais ».

    « La substance de l´univers s´était condensée à nouveau, s´était redessinée et repeuplée. J´ai vu un rayonnement partir d´un lieu dont je n´avais aucune idée, qui pouvait être aussi bien hors de moi qu´en moi. Mais un rayonnement ou, pour être plus exact, une lumière, la Lumière ».

    « J´étais guidé, je circulais entre les obstacles comme on dit que les chauve-souris font ».