Les motos-taxis zémidjans pallient le déficit du transport public

A Cotonou, la capitale économique du Bénin, les quelques 100 000 à 150 000 motos-taxis, communément appelés zémidjans (« Emmène-moi vite » en langue du sud du Bénin), comblent au pied levé depuis plus d’une vingtaine d’années l’absence de bus pour assurer le transport public.


Des zémidjans arrêtés à un feu tricolore à Cotonou.
Photo : B. Houenoussi.

Il est 7h 30 minutes du matin. A Cotonou (Bénin), et comme c’est le cas tous les jours de la semaine, les moto-taxis circulent déjà et recherchent un client. Nous sommes en compagnie de Pascal, un homme de taille moyenne, âgé de 29 ans. Il porte une chemise jaune, la tenue des conducteurs de taxi-moto de la ville. Il a achevé il y a 9 ans une formation en menuiserie qui a duré 5 ans. Mais depuis 4 ans, il a dû se résoudre à se muer en conducteur de taxi-moto. « Les commandes de mes clients se font rares, j’ai une compagne et je suis père deux enfants », nous explique-t-il. Comme lui, et ce depuis les années 80, des milliers d’autres personnes se sont transformées en Zémidjans (aussi appelés zems) à cause des difficultés pour survivre.

La conjoncture économique du pays à ce moment là n’était guère reluisante. Le  gouvernement au pouvoir, essoufflé par la crise économique, avait suspendu les recrutements dans la fonction publique. Les étudiants sortis de l’université se retrouvaient sur le carreau vu que l’Etat était le principal pourvoyeur d’emplois. Après, le Fonds monétaire international (FMI), avec le Programme d’ajustement structurel (Pas), a donné l’estocade finale.


Un zémidjan portant une tenue en guise de soutien
au président actuel.
Photo : B. H.

Mais le métier s’est développé dans les autres villes du pays, malgré les problèmes de santé publique qui en découlent. Dans ces cités, ces conducteurs ont leurs propres tenues de travail. Ceux d’Allada, une ville située à une dizaine de kilomètres de Cotonou, portent une chemise de couleur verte.

Les zémidjans sont utiles pour le transport d’un bout à l’autre dans les villes béninoises. Mais ils sont aussi récupérés par les hommes politiques pour faire leur promotion et par des entreprises pour faire la publicité de leurs produits.

Pour lutter contre la pollution de l’air à Cotonou, le ministère béninois de l’environnement et de la protection de la nature a mis sur pied le projet « Zéco-4 » dont le lancement officiel a eu lieu le 13 avril 2010. Cofinancé par l’Agence française de développement (Afd) et le Fonds français pour l’environnement mondial (Ffem), le projet vise à remplacer les motos deux roues à deux temps par des motos deux roues à quatre temps. Celles-ci ont l’avantage d’être moins polluantes, la pollution étant avec l’apparition de des zémidjans, l’une des plaies de la ville de Cotonou, qui compte aujourd’hui un peu plus d’un million d’habitants. Le transport public, quant à lui fait toujours défaut.


Moto 2 temps.

Moto 4 temps.

Interview

Ouro-Djeri Imorou, directeur général adjoint de l’environnement

A la découverte du programme « Zéco-4 »

Au ministère de l’environnement, le projet est piloté par la direction générale de l’environnement. C’est Ouro-Djeri Imorou chercheur en sciences environnementales, directeur général adjoint de l’environnement et chargé du projet qui nous reçoit.

– Six mois après le lancement du « Zéco-4 », est-ce que les objectifs spécifiques fixés pour ce projet ont été atteints ?

– Ces objectifs ne sont pas encore pleinement atteints. Le projet a connu des phases qui ont été jalonnées de quelques difficultés. Il y a eu au départ une certaine réticence à laquelle s’est mêlée de l’intoxication. L’objectif quantitatif est d’atteindre 10 000 motos-taxis dans la ville de Cotonou. Aujourd’hui nous sommes proche de la centaine. Il faut rappeler que l’adhésion au projet est un acte volontaire. Nous sommes un peu loin de l’objectif quantitatif, mais chaque jour, nous avons des conducteurs de taxis-motos qui remplissent les conditions pour adhérer au projet. Il n’y a pas lieu de s’inquiéter, nous sommes optimistes. 

– Cette mesure concerne-t-elle uniquement les zémidjans ?

– Le groupe cible du projet regroupe les zémidjans. C’est d’abord eux, parce que qu’ils assurent 75% du transport urbain. Ce sont surtout ceux qui utilisent les motos deux roues, deux temps. Celles-ci fonctionnent avec un surdosage d’huile et d’essence. Ces zémidjans s’occupent très peu du de la maintenance de leurs motos. Plus tard, nous verrons comment nous pourrons élargir le projet à d’autres groupes cibles.

– Si le zémidjan vient volontairement, quelles conditions doit-il remplir pour  pourvoir bénéficier du Zéco-4 ?

– Il faut deux conditions principales. La condition première est qu’il soit enregistré à la municipalité de Cotonou et qu’il se soit acquitté de la taxe annuelle, appelé « Droit Taxi », qui s’élève à 5 100 Fcfa (7€). C’est une condition forte indispensable pour que nous acceptions son dossier. La seconde condition est qu’il soit le propriétaire de la moto deux roues, à deux temps, qu’il utilise pour son activité.

– Et l’étape suivante ?

– Il bénéficie d’une prime qui s’élève à 200 000 Fcfa (304 €). Cette  somme comprend, une prime à la casse de 160 000 Fcfa (243 €), une formation pour l’obtention d’un permis de conduire A2 évaluée à 21 000 Fcfa (32 €), s’il n’est pas titulaire de cette pièce. Le reste, soit 19 000 Fcfa (28 €) est réservé pour qu’il souscrive à une assurance responsabilité civile d’un an. Mais s’il a un permis de conduire A2, les fonds réservés pour sa formation s’ajoutent à la somme allouée pour sa prime à la casse.

– Il est prévu des actions de formation professionnelles en direction des mécaniciens qui seront chargés de la maintenance de ces motos à quatre temps. Ces actions sont-elles déjà effectives ?

– Cette phase n’est pas encore amorcée, mais une mesure est prise en amont. Nous avons demandé aux concessionnaires des motos qu’ils donnent aux conducteurs éligibles au projet des notions en matière de maintenance des motos. Le problème des zémidjans est qu’ils n’ont pas la culture de la maintenance. Selon les études que nous avons réalisées, un zémidjan circule entre 12 heures et 16 heures par jour. Il faut laisser un répit de quelques heures à la moto, après tout ce temps passé dans la circulation. Il faut faire de façon régulière la vidange et régler d’autres paramètres mécaniques. Nous voulons inculquer dans la conscience collective des zémidjans une culture de l’entretien de leurs véhicules. Pour en revenir aux actions de formation professionnelle en direction des mécaniciens, dès qu’elles seront concrètes, ces mécaniciens de proximité seront positionnés par rapport aux aires de stationnement des zémidjans. Ces derniers pourront donc aller vers eux pour la maintenance de leurs motos.

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