Pourquoi l´Ordre des vétérinaires combat-il des naturopathes en élevage ?

Le Conseil régional de l’ordre des vétérinaires (CROV) Rhône-Alpes a condamné, le 14 avril 2011, Philippe Labre, vétérinaire naturopathe en élevage, pour « faute grave ». Il lui a interdit d’exercer pendant deux ans (dont un avec sursis). Son crime ? Avoir informé des éleveurs sur la possibilité de traitements naturels des animaux.


Philippe Labre.

« En prétextant une faute déontologique contestable, l’envoi de courriers d’information sur les méthodes alternatives en santé animale à l’occasion du transfert de son cabinet, l’Ordre des vétérinaires exerce une censure technique et scientifique envers une méthode de naturothérapie cohérente, d’une efficacité remarquable, constituant une véritable alternative naturelle pour la santé. L’Ordre utilise le rempart d’un code de déontologie anachronique pour protéger le mode d’exercice médical dominant et pour entraver une alternative qui remet en question le monopole de fait du système médico-pharmaceutique. »

Telle est l’analyse que fait le comité de soutien Initiative démocratique pour l’émergence d’alternatives pour la santé (Ideas), qui s’est constitué pour défendre le vétérinaire.

Déjà plus de 4500 signatures ont été rassemblées autour de la pétition pour protester et appeler à une mobilisation citoyenne.

Le « manquement au code de déontologie » reproché par le CROV est l’envoi, à l’occasion de l’ouverture du cabinet conseil du docteur-vétérinaire Philippe Labre (le cabinet Gentiana à Alby/Chéran, Haute-Savoie), d’une « lettre à caractère publicitaire » et d’un « document à caractère publicitaire » à des éleveurs de la région.

Ce qui est interdit par le code déontologie vétérinaire qui, dans son sous-paragraphe 4 “Communication”, articles R 242-70 et suivants, limite fortement les possibilités de communication des vétérinaires, qui ne doit pas être assimilée à une action commerciale.

C’est sans doute sur ces articles que s’appuie le CROV pour justifier sa sanction (les attendus ne le précisent pas).

Deux enquêtes disciplinaires

Philippe Labre explique que la « lettre à caractère publicitaire » incriminée est un courrier informant de l’ouverture de son cabinet spécialisé exclusivement en méthodes naturelles pour la santé en élevage : plantes médicinales, huiles essentielles, homéopathie. Elle présente, selon lui, le cadre éthique et technique de cette démarche innovante.

Le « document à caractère publicitaire » est le n° 5 de Feuilles de Gentiane, bulletin bisannuel de liaison avec les clients de son cabinet Gentiana. A l’occasion du déménagement du cabinet, ce bulletin a été envoyé aux mêmes adresses de professionnels, afin de communiquer sur les motivations du cabinet Gentiana, d’illustrer « les méthodes utilisées et les possibilités pratiques des solutions naturelles proposées ». C’est une publication « technique, informative et militante ».

Lors de la création du cabinet Gentiana à Alby/Chéran, en 2010, il était « impossible de ne s´adresser qu´à des clients, puisque la clientèle locale n´est pas constituée… Ma communication ne s’est pas faite dans la forme autorisée. Pourquoi ? Seuls des encarts très formatés dans la presse locale, visés par le CROV régional, sont admis. Cela ne me permettait pas d´expliquer ma démarche, c´est pourquoi j´ai choisi d´envoyer le courrier. »

Le code de déontologie vétérinaire “non conforme” à la directive Services

Le  vétérinaire incriminé voit dans les deux enquêtes disciplinaires dont il a été l’objet, la preuve que « l’activité de vétérinaire spécialisé en médecines naturelles en élevage, pratiquant l’homéopathie, la phytothérapie et l’aromathérapie, et formulant ses propres complexes de plantes à partir d’extraits végétaux conformes à la pharmacopée, est [vue par les autorités comme] une activité quasiment illégale et répréhensible. Si on applique la réglementation ordinale avec un juridisme rigide, sans discernement, dans le cadre d’un code de déontologie anachronique et liberticide, les infractions au code de déontologie que l’on me reproche sont effectivement une erreur. Mais elles ne constituent en rien “une faute grave nécessitant une sévère sanction” et encore moins une interdiction d’exercer ! »

En outre, pour Philippe Labre, « le code de déontologie vétérinaire actuel invoqué pour justifier la sanction prononcée, qui interdit pratiquement toute communication, y compris informative, n’est pas conforme à la directive Services de l’Europe, article 24, qui indique que les codes de déontologie ne peuvent pas interdire à leurs professions réglementées de communiquer sur leurs services, par quelques médias que ce soit ».

Le “vrai débat”

Le « vrai débat » est dès lors le suivant :

« Jusqu’où peut-on, pour des raisons corporatistes et clientélistes, et en se référant à des règlements qui n´ont pas évolué depuis 50 ans, interdire de parler des alternatives, des besoins actuels et des professionnels qui les proposent, et surtout les sanctionner de manière disproportionnée, et donc les éliminer ?

Si les vétérinaires conventionnels n´ont pas droit à communiquer, cela les entrave peu :
– parce qu’ils ont souvent une activité locale,
– parce que tout le monde sait ce que propose un véto conventionnel,
– parce que les laboratoires et les médias se chargent de faire l´information et la communication sur leurs services et produits, à la place des vétérinaires et à leur profit. »

De même, « jusqu’où les ordres et les organismes de réglementation et de contrôle ont-ils le droit de formater la pratique, le système médico-pharmaceutique dominant étant pris pour référence absolue et unique ? Comment dans ces conditions, faire émerger des alternatives, pourtant indispensables, au vu des nombreux aspects contestables du système actuel ? En santé, qu´elle soit animale ou humaine, les règlements protègent davantage les intérêts des labos et des professions médicales que celle des patients et de la santé publique. Qui en doute encore, après le sang contaminé, l´hormone de croissance qui transmettait la maladie de Creutzfeld-Jacob, le Médiator, certains vaccins très contestables, etc. ? »

Philippe Labre, par l´intermédiaire de son avocat, a fait appel. Celui-ci étant suspensif, il peut donc actuellement continuer son exercice. De plus, il bénéficie d´une autre démarche engagée par ailleurs par cet avocat devant le Conseil d´Etat. Celui-ci a posé la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) suite à l´interdiction, pour un autre vétérinaire, d´exercer pour ce même motif de communication. La haute juridiction devra dire si les conseils de l´ordre vétérinaires abusent ou non de leurs prérogatives et s´ils respectent bien les normes juridiques (notamment européennes). Suite à cette action, l´Ordre des vétérinaires a bloqué toutes les procédures en cours. En effet, les décisions prises avant l’avis du Conseil d´Etat pourraient être déclarées invalides si les QPC étaient retenues.

Analyse

L’Ordre des vétérinaires ne s´oppose pas à l´utilisation d´une phytothérapie marginale, alibi naturel qui ne remet pas en cause la suprématie de la pharmacie chimique et le pouvoir médical conventionnel.

En revanche, l´utilisation exclusive de la phytothérapie, en tant que méthode alternative cohérente utilisée par un vétérinaire diplômé, et l´accueil plutôt favorable de cette technique par les éleveurs, constituent une remise en cause symbolique de l´utilisation quasi-exclusive de l´allopathie par les professionnels de la santé.

Ceci pourrait expliquer l´acharnement de l´Ordre contre ce praticien naturopathe perturbateur, qui trouve un vif écho chez les éleveurs à qui les praticiens imposent souvent les pratiques de santé conventionnelles sans leur proposer le choix du naturel.

Si l´Ordre des vétérinaires reproche à ce vétérinaire de s´exprimer et lui interdit d´exercer, c´est donc certainement pour protéger le mode d´exercice conventionnel face aux alternatives.

S´il s´en prend à M. Labre, c´est aussi sans doute que ce dernier, à l´instar de Martine Gardénal, médecin homéopathe sanctionnée par l´Ordre des médecins, et de feu le Dr Guéniot, est formateur et a écrit sur le sujet. Il faut faire un exemple pour empêcher la “mauvaise herbe” du naturel de se disséminer sur le terreau du système médico-pharmaceutique dominant…

> Télécharger :
– le dossier de presse constitué par Ideas ;
– le dossier de la phytorégulation pour soigner les animaux.

Pour aller plus loin :

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5 commentaires pour cet article

  1. La déontologie vétérinaire interdit de faire de la publicité pour des produits phytosanitaires, mais autoriserait presque le clonage des animaux… La juridiction interdisait il y a peu la vente le purin d´ortie mais autorise légalement la modification génétique artificielle des plantes cultivées… Drôle de société.

  2. Le phyto´GM est la règle dans l´élevage français, les vaches ingurgitent des OGM depuis plusieurs années sans aucun contrôle sanitaire. Et les farines animales sont ou vont être réintroduites dans les élevages: rentabilité économique primant sur toute véritable question sanitaire, ou tout bon sens alimentaire… C´est la loi de la compétition économique nationaliste ou communautaire bête et stupide qui prévaut sur toute considération agronomique, ou de santé animale ou humaine.

  3. Bonjour, de toute évidence vous avez mal compris la décision du CRO : ce confrère est condamné pour publicité (interdit par le code de déontologie pour protéger nos clients d´une médicalisation abusive et nos confrères d´un détournement de clientèle), et non pour pratique de la naturopathie.

    Non seulement vous relayez des informations erronées pour vous victimiser, mais en plus votre article tel qu´il est écrit peut être considéré comme un message publicitaire pour ce confrère et aggraver sa peine.

     

  4. Votre critique n´est pas justifiée. L´article dit clairement que le vétérinaire a vraisemblablement été attaqué pour ses lettre et document “à caractère publicitaire”, en raison des articles R 242-70 et suivants du code de déontologie vétérinaire qui, dans son sous-paragraphe 4 “Communication”, limite fortement les possibilités de communication des vétérinaires, qui ne doit pas être assimilée à une action commerciale…
    En fait, cette accusation peut être interprétée comme un prétexte du Crov pour lutter contre les méthodes naturelles.

  5. bonjour,
    je suis membre de l’ordre et je pratique la phytothérapie. Je ne vois pas dans la décision de l’ordre une attaque contre les méthodes thérapeutiques des uns ou des autres. Nous sommes dans la désinformation totale et la manipulation. Il est reproché au vétérinaire de faire de la publicité ce qui est clairement interdit par le code de déontologie qui est inclus dans le code rural et donc a force de loi. N’importe quel vétérinaire envoyant un courrier de ce type à un non-client sera sanctionné qlq soit sa méthode de travail. Comme pour tout vétérinaire, il faut se faire sa clientèle par le bouche à oreille et les pages jaunes. Je suis sur que dans le milieu de la naturopathie, l’information a circulé bcq plus vite que pour un véto lambda. et il est vrai que cet article met le confrère en danger pour publicité. Il y a des règles, elles sont les mêmes pour tous, naturopathes ou allopathes.