Victimes du changement climatique, ils témoignent

Les changements climatiques représentent pour nous, Européens, une menace croissante. Mais pour de nombreux pays en développement ou du Sud, leurs effets destructeurs, parfois même dévastateurs, sont déjà bien réels. Ouvertures a voulu donner à entendre les victimes déjà bien concrètes de ces bouleversements dont nos modes de consommation sont à l’origine(1). Témoignages recueillis par les Amis de la Terre.

Honduras

L’ouraganMitch, le plus dévastateur des deux derniers siècles dans l’hémisphère occidental, a démontré la vulnérabilité extrême du Honduras au changement climatique. En 1998, cet ouragan s’est abattu sur l’Amérique centrale pendant trois jours, touchant directement près de la moitié des six millions d’habitants du pays et détruisant les infrastructures et l’agriculture. En plus des milliers de morts et de blessés, et de la destruction des installations d’eau, d’assainissement et d’hygiène directement causés par la tempête, la santé des Honduriens en a reçu un coup dont elle aura du mal à se remettre.

Maritza Arévalo Amador, 58 ans, mère célibataire de cinq enfants, quartier Flor no 1 de Tegucigalpa


© Candy Baiza

« Les êtres humains ont provoqué ces changements lorsqu’ils ont coupé les arbres. C’est cela qui a été le plus grave pour l’environnement, car le déboisement a provoqué la pénurie d’eau dans nos villages et dans notre pays. Les effets de ces changements sont la chaleur, de nombreuses maladies de la peau… le manque d’eau et la pollution. La destruction de notre sol, ainsi que l’exploitation minière qui contamine l’air, l’eau et les êtres humains. Les enfants et les vieillards ont des affections de la peau et des bronches. J’ai eu beaucoup d’expérience dans ma vie parce que j’ai lutté pour l’environnement. Les luttes ont été dures, surtout dans les communautés où je travaille à planter des arbres… Nous travaillons pour améliorer l’environnement en faisant des exposés sur la santé écologique… Il faut planter des arbres pour «respirer» un environnement meilleur. En outre, nous avons appris à recycler les ordures. »

Hilda Maradiaga Mejia, 55 ans, mère célibataire de six enfants, quartier de Nueva Suyapa, Tegucigalpa


© Candy Baiza
« Je travaille au développement durable avec des groupes et des organisations, pour améliorer le développement de ma communauté et du reste des gens, et le développement local et écologique du pays. Je travaille dans les domaines de l’agriculture et du développement pour mes enfants, pour veiller à l’éducation de la famille et pour améliorer son niveau de vie, et aussi pour mon groupe organisé. Ce que je fais pour réduire les effets négatifs du climat ? Des visites communautaires avec des camarades qui sont organisés. Lutter contre la pauvreté, par exemple en faisant des jardins familiaux et communautaires. Éduquer en matière de santé, de nutrition, pour améliorer l’alimentation des enfants et des familles. Comment faire des médicaments naturels avec des plantes, comment faire des sirops. Des ateliers sur le stress, la santé, les massages du dos, de la tête et des mains. Des échanges de plantes médicinales entre communautés, la médecine préventive. Mon message aux autres communautés affectées ? Organisez-vous pour avancer et pour devenir meilleurs. Améliorez votre alimentation en plantant des jardins familiaux et communautaires. Unissez vos forces avec d’autres communautés et organisez-vous. Plantez des arbres fruitiers et ornementaux. Unissez-vous et travaillez au plan national et international, parce que si nous nous unissons nous sommes plus forts et plus persévérants. Soyez courageux et essayez d’aider vos voisins. Luttez pour un monde juste et sans frontières. Faites preuve d’affection, aimez Dieu et vos voisins. »

Pérou

Eulogio Capitan Coleto, 63 ans, président du Comité de l’environnement, village de Vicos, département d’Ancash


© Asociación Civil Labor / FoE Pérou
« Les gens se rendent compte maintenant que les neiges sont en train de reculer. Ils voient aussi que le climat a changé. Par exemple, nous avons de la gelée et de la grêle à n’importe quelle époque. Avant, il gelait tous les trois ou quatre ans, en décembre ou novembre. Du temps de nos parents et grands-parents c’était comme ça ; à présent, cela arrive à n’importe quel mois. La qualité (des cultures) a changé. Avant elle était meilleure, et il y avait davantage de récoltes. Ce n’est plus comme ça, la qualité a baissé, il y a des vers ; avant, on appliquait des pesticides une seule fois, maintenant nous devons le faire deux ou trois fois. De nouvelles maladies sont apparues. La tache noire [une affection fongique] est apparue il y a 10 ans ; maintenant nous utilisons un produit pour la combattre. Cela pourrait avoir quelque chose à voir avec le changement de la température. La plupart des cultures sont arrosées avec l’eau de la fonte des neiges. Mais la gelée de février dernier a endommagé beaucoup de cultures à Quebrada Honda [une vallée profonde, à deux heures de là, sur la Cordillère Blanche].
Normalement, la gelée tombe avant le 8 janvier. C’est la première fois que cela arrive en février, personne n’y avait pensé. Ceux qui ont perdu leurs récoltes étaient si nombreux… presque toutes les familles ont été touchées. À Quebrada Honda, toutes les cultures, ou presque, ont été endommagées. »

Swaziland

Make Nhleko, membre du conseil traditionnel, Zombodze Emuva, région de Shiselweni


© Natacha Terrot
« L’année a été très mauvaise, j’ai très peu cultivé. L’averse de grêle de décembre 2006 a aggravé encore les choses. Le toit du supermarché derrière nous s’est envolé pendant l’orage, des cultures et des maisons ont été détruites. À présent, je dois acheter du maïs et des haricots, alors qu’avant je les plantais. Mais au moins je peux me payer le maïs. Il y en a d’autres qui ne peuvent pas et pour eux c’est bien plus grave. Dans le passé, le chef appelait les gens pour qu’ils désherbent ses champs ou fassent la récolte. C’était une façon d’unifier les gens de la zone. Après le travail, ils se réunissaient dans le kraal du chef [une enceinte pour le bétail] et ils discutaient des affaires de la communauté. Le chef tuait un boeuf pour eux et une partie de la récolte servait à alimenter les membres de la communauté qui n’avaient rien et ne pouvaient pas vivre sans aide. Ainsi, tout le monde avait quelque chose à manger. Mais à présent il n’y a rien à récolter, donc même le chef ne peut pas aider ceux qui ont faim. L’eau est un gros problème. Nos fleuves et nos puits sont taris. Même quelques puits forés par le gouvernement canadien en 1997 ont tari depuis. La communauté est en train de creuser des tranchées pour des conduites qui, nous l’espérons, vont amener l’eau d’un puits ancien. En ce moment nous devons aller chercher l’eau dans les fleuves et les puits qui ne sont pas encore épuisés. Nous partageons l’eau avec le bétail. Les maladies comme le choléra et la diarrhée sont très fréquentes parce que l’eau est toujours sale. »

Royaume Uni

Le continent européen est lui aussi déjà atteint. Exemple, le village historique de Selsey, situé sur la côte sud de l’Angleterre. Aujourd’hui le changement climatique met cette communauté très unie devant de nouvelles menaces : élévation du niveau de la mer, tempêtes et inondations.

Blanche Butlin, 51 ans, propriétaire d’un champ de foire, Selsey


© Gary Butlin
« Cela fait 16 ans que je dirige avec mon mari le champ de foire côtier de Selsey,mais à présent nous allons nous déplacer un peu vers l’intérieur parce que nous sommes épuisés. Nous avons eu dix inondations et, dans le meilleur des cas, on n’a que vingt minutes pour prendre ses affaires et partir avant que l’eau n’arrive à la caravane. D’ailleurs, l’équipement de la foire est ruiné. Chaque fois qu’il y a marée haute et un coup de vent, surtout si le vent vient du sud, je pense qu’on sera encore inondés, peut-être pendant qu’on dort. L’une des propositions du gouvernement implique la disparition définitive du champ de foire et d’une bonne partie du terrain de camping, car la mer démolira nos défenses côtières déjà délabrées. Ils appellent cela une «retraite gérée», pour que ça sonne plus acceptable, mais ça ne l’est pas. Ils sont en train d’abandonner Selsey, les gens qui vivent ici et leurs moyens d’existence ne les intéressent pas. »

Source de ces témoignages: rapport « La voix des populations affectées par le changement climatique » des Amis de la Terre.

La Conférence climat des Nations Unies

La conférence des Nations unies sur le climat qui s´est tenue à Bali (Indonésie) en décembre 2007 a débouché sur l´élaboration d´une feuille de route destinée à ouvrir la voie à un accord mondial, lequel devrait être conclu en 2009 à Copenhague. La prochaine conférence se déroulera à Poznań, en Pologne, en décembre 2008.

Ces négociations sous l´égide de l´ONU ont pour objet d’obtenir un accord international pour prendre le relais du protocole sur les gaz à effet de serre de Kyoto. Cet engagement international a imposé aux pays industrialisés des réductions d´émissions entre 1990 et la période 2008-2012. Mais sa portée a été réduite par le refus des Etats-Unis de le ratifier.

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(1) L’administrateur du Programme des Nations unies pour le développement, Kemal Dervis, a rappelé que « 70% des gaz à effets de serre déjà émis sont dus à l’activité des pays riches, 28% ont été émis par les pays émergents et seulement 2% par les pays les moins développés ». Ce sont pourtant ces derniers qui en subissent le plus d’effets…

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