Forum Terre du Ciel

2027 : la fin du « pétrolithique » ?

Parmi les différents ateliers proposés au colloque « Incarner l´Utopie », qui se clôturait ce lundi 9 avril à Aix-les-Bains, cent personnes ont participé à une expérience de rêve éveillé. Nous sommes en 2027, décrivez l´agriculture, l´éducation, la santé, le monde dans 15 ans…


“Incarner l´utopie”, oui mais laquelle? Tel était le thème de “l´atelier 2027”. Photo Pryska Ducoeurjoly

« Un autre monde est possible », disent les altermondialistes. Ce n´est pas le millier de participants du Forum « Incarner l´utopie » qui diront le contraire. Oui, mais quel monde ? C´est justement à cette question que l´atelier « Rêver l´utopie » proposait de répondre, samedi, au cours d´une expérience collective de rêve éveillé, à laquelle ont participé cent personnes, un panel représentatif de la communauté des « créatifs culturels ».

« Je vous propose de vous répartir à votre guise dans les six domaines suivants : gouvernance, économie, santé, terre&nature, éducation, art de vivre », explique l´animateur, Ivan Maltcheff. Les chaises se déplacent pour créer des cercles de tailles pour le moins différentes. Alors que les thèmes santé ou environnement forment de grands cercles, l´économie ne fait rêver que cinq pour cent des participants…

La méthode ? Donner libre court à son cerveau droit, celui qui est relié à l´intuition, à la vision, aux émotions, se projeter en 2027 comme s´il s´agissait du moment présent ; et surtout courtcircuiter le cerveau gauche, qui analyse, explique, rationalise.

« C´est une méthode qui est utilisée en entreprise pour développer la vision des dirigeants sur l´avenir de leur société par exemple. Les créatifs du marketing pratiquent aussi cette technique », explique à Ouvertures Ivan Maltcheff qui a proposé ce travail pendant plusieurs années dans le secteur privé.

Sa rencontre avec la société civile alternative l´a amené à enrichir cet outil pour en faire bénéficier le grand public : « Les citoyens doivent se réapproprier leur capacité créatrice, actuellement aux mains d´experts. Le peuple n´est consulté que sur des sujets limités et marginaux. Pour les grands enjeux, il n´est pas autorisé à rêver d´un monde différent. Soit parce que le changement est impossible, nous dit-on, soit parce qu´il doit être pensé et élaboré par ceux “qui savent” ».

Retour en 2012. Après le rêve qui a amené les participants dans une contrée inconnue, l´après-pétrolithique (néologisme employé par Pierre Rabhi au cours du forum), le retour à la réalité est difficile. Certains restent sur leur faim : « Mai 68, le Larzac, on connaît… je ne vois pas ce que ça peut apporter de rêver. » D´autres conservent tout de même beaucoup d´espoir : « On incarne tous déjà cette utopie finalement ! C´est une expérience enrichissante de pouvoir se relier ».

« Cet exercice est constructif et utile si la vision produite est analysée par l´autre partie du cerveau, analytique et rationnelle, nuance l´animateur. Le temps imparti et le nombre de participant ne permet pas de mener ici cet aller-retour nécessaire entre cerveau droit et cerveau gauche : l´un propose une vision, l´autre doit l´examiner au crible de la réalité. Il faut répondre aux questions suivantes : “Ce rêve est-il possible ? Si oui, comment les événements se sont-ils produits exactement ? En quelle année précisément ? Quelles ont été les étapes ?”

« Ce processus, qui implique l´ensemble de nos facultés cérébrales, fait émerger des idées utiles et des moyens pour y arriver. Ce travail s´avère particulièrement intéressant en comité plus restreint, lorsqu´on note toutes les informations captées, ou lorsqu´on intègre quelques artistes dans le groupe », explique Ivan Maltcheff.

Face à la panne de l´innovation dans les projets politiques de la campagne 2012 et face à l´abstention civique récurrente, « il est évident que nous aurons besoin de ce type d´outils pour travailler sur notre futur et oser une nouvelle vision ».

Quelques extraits des rêveries des participants en 2027

Economie. « Il n´y a pas de chômage, car nous avons tous un travail, si on peut encore appeler cela du travail ! D´ailleurs, pourquoi partir en vacances. Chacun a sa place et est à sa place. Les activités de proximité sont foisonnantes, centrées sur les besoins humains. Il y a par exemple du monde derrière les guichets. Le modèle dominant est celui de la petite entreprise, ces dernières foisonnent et évoluent en réseaux, nombreux et principalement locaux (les firmes internationales se sont récemment cassées la figure). Les déchets sont valorisés en permanence, rien ne se perd. Troc, échange d´activités, entraide, prospérité sans croissance et une sécurité matérielle pour tous. Le modèle agricole connaît un renouveau. L´énergie est gratuite et accessible à tous, car on peut la capter partout ».

Santé. « La maladie physique est en voie de disparition. On se soigne par la nature. On se concentre sur les problèmes psychiques avec les outils proposés par la sagesse. Chacun est responsable de sa santé et des moyens pour la conserver. Mais lorsque l´un tombe malade, la communauté proche en est préoccupée et prend en charge. Dans les villages, il y a beaucoup d´échanges. Les hôpitaux sont plus nombreux, plus petits, de forme ronde. La question de la mort est bien vécue, car elle est appréhendée comme un passage, une transformation, où le groupe intervient en accompagnement, ce qui atténue l´inquiétude ou l´angoisse.

Terre et nature.  On fait la sieste dans les arbres en ville. Les jardins spontanés fleurissent partout, pas toujours très organisés. L´abondance de la nature nourrit la population, les animaux sont  nombreux,  l´eau (des océans ou des rivières) est propre. Nous n´avons pas peur de faire des enfants dans ce monde en paix et centré sur le respect du vivant, où les peuples se parlent et les générations se côtoient »

Education. « L´enfant est au centre de la pédagogie, on lui donne les moyens de trouver sa voie, de s´insérer dans le monde, de se relier à l´autre. L´éducation passe par la connaissance de la terre. La confiance en la capacité de l´enfant à grandir est totale. On reconnaît aussi les jeunes comme une source d´enseignement pour les grands ».

Art de vivre. « L´habitat est original, il ressemble beaucoup à ses habitants, très créatifs. Les portes sont ouvertes. La notion de propriété est bien relative désormais : on partage les potagers, on accueille chez soi des sans-abri… Entre voisins, on se connaît bien, on cultive ensemble la joie de vivre et la culture de l´apaisement. On se parle, on se touche, on est pleinement vivants, nourris, épanouis ».

Gouvernance. « Les partis politiques n´existent plus comme en 2012, on ne va pas se battre pour des idéologies ! Désormais, les décisions sont prises en faisant appel à l´intelligence collective et à la bonne volonté des administrés. Internet a développé des outils pour la participation citoyenne, en quelques clics on peut donner son avis. Désormais, le peuple a la capacité d´exercer pleinement son pouvoir de décision.

 

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