Audiovisuel : l´intérêt du public insuffisamment pris en compte par les médias

Bien que l’intérêt du public, caractérisé notamment par le pluralisme des idées, soit au cœur de la loi sur la liberté de communication, il est bien loin d’être effectivement pris en compte par les médias. Une carence démocratique qui tient entre autres à une législation encore incomplète.

L’intérêt du public est le fondement légal de la communication audiovisuelle. La loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication prescrit que le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) accorde aux chaînes les autorisations d’émettre d’abord sur des critères objectifs (contenu des programmes, capacité financière). Mais également « en appréciant l’intérêt de chaque projet pour le public ».


Copie d´écran du site du CSA.

Ce point-là fait débat. D’abord parce qu’il y a facilement confusion entre « l’intérêt du public » et les dénominations voisines telles que « l’intérêt public », « l’intérêt général » et le « droit du public ». On peut cependant penser, estime Karine Favro, maître de conférences des facultés de droit à l’université de Haute-Alsace et auteure d´une communication sur ce thème (voir encadré), que « l’intérêt du public » constitue une « contraction » de toutes les autres. Ajoutons également la nuance que l´on pourrait établir entre « l’intérêt du public », qui est la notion centrale de l´étude de l´universitaire, et « l’intérêt pour le public », qui est la formulation du texte de loi.

Comment cet intérêt est-il garanti par la loi de 1986 ? Le texte dit que le droit du public est garanti par le respect de la liberté d’expression, le jeu de la concurrence, le pluralisme et l’honnêteté de l’information, l’intervention publique, le respect de la réglementation et la régulation des acteurs (c’est de ce dernier point que le CSA tire sa légitimité).

L’exigence d’un débat public

« La liberté d’expression, parce qu’elle suppose le pluralisme des opinions (nous soulignons), l’existence d’un débat public à même de refléter ces opinions plurielles et la reconnaissance d’un droit public à être informé sur des questions d’intérêt général, permet aux citoyens d’exercer leur droit de participation, mais aussi de contestation, caractéristiques d’un régime démocratique, écrit Karine Favro. Mais si l’on reconnaît le caractère essentiel de la liberté d’expression s’agissant de l’exercice effectif des libertés de la pensée et son rôle primordial dans le fonctionnement de la démocratie, encore faut-il que son respect et son effectivité soient eux-mêmes garantis. »

La Régulation des médias et ses « standards » juridiques

Les éléments de cet article ont été puisés dans “L´intérêt du public, standard de la régulation de la communication audiovisuelle”, communication de Karine Favro, l´une des auteurs de ce livre.

Celui-ci constitue les Actes du colloque organisé le 13 mai 2011, à l’Assemblée nationale, par l’Association française du droit des médias et de la culture (AFDMC), présidée par Pascal Mbongo, professeur des facultés de droit à l´Université de Poitiers.

Mare et Martin, coll. Libertés, Auteurs et Médias, 2011.

Et, précise la jurisprudence européenne, « la liberté d’expression vaut non seulement pour les “informations” ou “idées” accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’État ou une fraction quelconque de l’opinion ».

Or on peut observer que « les médias imprégnés de la conception traditionnelle de la démocratie représentative sont loin de représenter toutes les opinions, et même si le pluralisme a progressé, les médias demeurent essentiellement le reflet des opinions dominantes ou majoritaires. (…) Il serait faux de prétendre que l’accès aux médias classiques est ouvert ».

Une appréciation “qualitative” des contenus

Au-delà de la pluralité des organes d’information, le « pluralisme des courants d’expression socioculturels » implique une « appréciation qualitative ayant trait au contenu (nous soulignons) de l’information diffusée, à sa diversité ».

Chaque moyen de communication devrait donc s’ouvrir aux différents courants de pensée et d’opinion. Mais « cette dimension du pluralisme n’a jamais trouvé de traduction législative » jusqu’à aujourd’hui. L’abondance quantitative des programmes ne satisfait pas l’exigence de pluralisme sur le plan qualitatif, dont les indicateurs restent donc encore à définir.

A cela, il faut ajouter que, si les textes de loi reconnaissent un certain « droit à l’information », le Conseil constitutionnel n’a toujours pas expressément acté le caractère fondamental de ce droit. Il reconnaît seulement ce droit comme un objectif à réaliser pour « rendre effective la liberté de choix des destinataires de l’information ». Il reste à inscrire dans nos lois que cette liberté n’est possible que si « l’honnêteté de l’information » et le « pluralisme des courants d’expression » sont assurées.

Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

L’auteure de la communication conclut que, si « l’intérêt public » n’a pas été défini avec précision, « c’est qu’il n’appartient pas encore au public de défendre ses propres intérêts ».

> Les citoyens attendront-ils qu’on leur octroie cette possibilité de défendre leurs propres intérêts ou sauront-ils l’exiger voire la conquérir ?

>> Envoyer un droit de réponse

2 commentaires pour cet article

  1. Cher Jean-Luc,

    votre article est encore une fois très pertinent. Il pose avec clarté et fermeté ce qui va être notre combat dans les jours qui viennent: la conquête d´une information de qualité destinée à enrichir la Liberté de penser (et donc de s´exprimer). Considérer les Hommes avec respect, faire confiance en leur capacité de comprendre… des choses qu´on leur explique. Merci à vous pour votre contribution au débat.

    Philippe Guihéneuf

    pour Les Contestataires propositifs/ Les Indignés du PAF

  2. Salutation =), je suis a la recherche d’information a propos du droit public, car j’ai trouvé ce site traitant du droit public hier mais il n’a pas assez éclairé je pense que c’est qu’il explique ce qu’il sait faire mais pas l’activité d’ un avocat du droit public en général. Ce n’est que mon avis =)
    Par exemple est ce que le droit fiscal s’integre au droit public ou c’est un domaine différent ? Car je concoit que ce domaine est tres flou pour moi.
    Merci encore