Les filles, grandes oubliées des loisirs publics

L’offre de loisirs publics proposée aux jeunes s’adresse en priorité aux garçons. Voilà l’étonnant résultat d’une enquête menée par des chercheurs du CNRS.


Photo : blogbebe.org.

Deux fois plus de garçons que de filles profitent des gymnases, skate-parcs et autres équipements publics culturels ou de loisirs pour les jeunes dans l’agglomération de Bordeaux. Avec l’avancée en âge, la mixité se réduit progressivement, jusqu’à un décrochage massif des filles, qui désertent les lieux à partir de la classe de 6e. Ce sont les résultats d’une enquête1, à paraître en juin, menée sur trois communes et dirigée par le sociologue et géographe Yves Raibaud, du laboratoire Aménagement, développement, environnement, santé et sociétés2, à Pessac (Gironde).

« Par simple observation, je trouvais  frappante la prédominance masculine dans ce type d’équipements, mais les communes ne disposaient pas de chiffres sur le genre », explique ce dernier. Grâce à un financement  des collectivités territoriales3, le chercheur et son équipe ont donc minutieusement compté les structures subventionnées par les mairies. Puis leurs usagers par sexe et par âge. L’intuition s’est alors transformée en résultats tangibles.

 Le sport masculin valorisé


Dans ce livre, Yves Raibaud apporte
une autre lecture des
phénomènes classiquement traités
par la géographie tels
qu´économie, géopolitique,
aménagement, urbanisme.

Est-ce à dire que l’offre de loisirs subventionnée s’adresse davantage aux garçons qu’aux filles ? « Bien sûr, on peut arguer que le foot ou le skate ne sont pas réservés aux garçons, mais il faut tout de même reconnaître que les pratiques sont consacrées par l’usage. De fait, cela revient donc à accorder plus de moyens aux loisirs des garçons », souligne Yves Raibaud. D’ailleurs, selon lui, quand bien même une équipe de foot féminine voudrait par exemple jouer, il semble que, jugée moins importante, on lui accorderait plus difficilement des créneaux…

Alors pourquoi ce désintérêt de la collectivité pour les activités dites féminines (gym, danse…) ? Des entretiens menés avec les élus et les responsables municipaux révèlent un fort souci de canaliser la violence des jeunes dans des activités positives, comme les pratiques sportives. « Ils ne précisent jamais le sexe des jeunes incriminés, mais personne ne s’y trompe », commente le chercheur. Or la démarche aboutit probablement au résultat inverse ! Primo, elle conduit à l’appropriation de l’espace public par les garçons, perpétuant un vieux classique de l’histoire de l’humanité, où la femme est reléguée à l’univers domestique de la maison.

Secundo, cette hypersocialisation des garçons par le sport et les cultures urbaines valorise le modèle d’une masculinité hégémonique. « Et avec elle, les conduites viriles et leurs avatars, le sexisme et l’homophobie, lesquels sont en général moins prégnants dans des groupes mixtes », précise Yves Raibaud.

Les vertus de la mixité

« Depuis janvier dernier, nous avons lancé la même étude à Toulouse et à Ramonville, avec un financement des mairies, poursuit le sociologue. Le but est de faire de notre méthodologie une offre de diagnostic territorial. » À travers les résultats de cette enquête se pose en effet une question importante : quelle est la place des femmes dans l’espace urbain ? « Justement, ajoute Yves Raibaud, une autre de nos études en cours, réalisée pour la Communauté urbaine de Bordeaux, a confirmé ce dont chacun a peut-être pu faire l’expérience : quand femmes et hommes sont en nombre égal dans l’espace public, en particulier la nuit, le sentiment de sécurité est plus fort pour tout le monde. » Encore une bonne raison de sortir de l’androcentrisme de nos sociétés, si ce n’était en vertu de l’égalité des sexes…

1. « L’image de la ville par le genre », rapport de l’Agence d’urbanisme.
2. Unité CNRS/Université Michel-de-Montaigne-Bordeaux-III/Université Bordeaux-Segalen.
3. Le conseil régional d’Aquitaine, le conseil général de Gironde et la Communauté urbaine de Bordeaux.

 

Contact :
Aménagement, développement, environnement, santé et sociétés, Pessac
Yves Raibaud
y.raibaud@ades.cnrs.fr

> Article de Charline Zeitoun, paru dans CNRS le journal n° 257, juin 2011.

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7 commentaires pour cet article

  1. Les personnes qui défendent la cause féministe sont des sexistes qui s´ignorent. Elles partent du constat erroné que les valeurs féminines sont à défendre car en danger dans la société, ce qui est une réaction à un excès de valeurs dites masculines. La réalité est que ni les valeurs masculines ni les valeurs féminines ne sont bonnes pour la société, car elles sont intrinsèquement des valeurs antagonistes, ou qui s´opposent, et sont conçues comme telles. Elles résultent de l´identification de la psyché à une certaine construction biologico-sociale culturelle, et l´entièreté de ces valeurs est présente dans l´esprit humain. Cette division entre l´homme et la femme dans la société n´a aucune réalité psychologique, et c´est mécomprendre la psyché que d´établir une telle division au travers de telles valeurs. Biologiquement, l´homme et la femme résultent d´une différenciation sexuée propre aux formes de vie évoluées et multi-cellulaires. Psychologiquement, l´idée de “moi” est ce qui établit l´identification et dès lors la division d´avec le corps. Cette idée est non seulement culturellement conditionnée, mais sans réalité intrinsèque. Une femme ou un homme, biologiquement parlant, n´a pas besoin de s´identifier à des valeurs féminines ou masculines, pour asseoir la réalité de leur conditionnement sexué. Il me semble que tout cela résulte d´une longue propagande multi-millénaire notamment véhiculée par la religion et ses illusions personnificatrices des dieux qu´elle a inventés et qui n´ont absolument aucune réalité en-dehors de leur imaginaire communautariste.

  2. à ab : Si vous étiez maire dans une ville où l´on constate que ce sont seulement les garçons qui profitent des équipement, quelles décisions concrètes feriez-vous voter pour assurer que chacun et chacune trouve leur compte ?

  3. Mibémol, ce que j´ai à dire ne fait partie d´aucun cadre ni schème intellectuel particulier. Ni religieux, ni spirituel, ni philosophique, ni politique. La société du travail va de pair avec la société du loisir, et ce qu´il faut n´est pas plus de travail ou plus de loisir, car lorqu´un être humain aime ce qu´il fait, ces notions de travail ou de loisir s´amenuisent, voire disparaissent, car il n´y a plus d´agenda, plus d´ambition, plus de poursuite du succès et toutes ces choses constamment  prônées par la société. L´idéologie du travail prônée par les politiciens n´est pas la valeur réelle du travail, qui existe uniquement lorsque l´on aime ce que l´on fait. Et faire ce que l´on aime, n´est pas simplement faire ce qui nous plaît, car l´idée de plaisir n´est pas ce dont il est question ici, tout comme l´idée de souffrance qui est inévitablement liée au plaisir. C´est quelque chose de bien différent qui est évoqué ici et qui a fait l´objet d´un précédent commentaire. Il s´agit simplement de voir comment la pensée crée des catégories et des images qui divisent, psychologiquement, et comment cette pensée qui divise, se projette dans le monde extérieur, dans les relations humaines tant individuelles que collectives, en créant des problèmes, car ce mode de fonctionnement du cerveau n´est ni plus ni moins qu´un mécanisme de créations de problèmes, appelant à des solutions qui génèrent à leur tour d´autres problèmes, etc. La question est donc non pas de résoudre tel ou tel problème particulier, de manière fragmentée, et les uns à la suite des autres, mais de voir à la source de tout problème, ce qui est encore une fois une démarche ou perception bien différente.

  4. @ ab : vous dites : “La question est donc non pas de résoudre tel ou tel problème particulier, de manière fragmentée, et les uns à la suite des autres, mais de voir à la source de tout problème, ce qui est encore une fois une démarche ou perception bien différente.”

    Si je vous comprends bien, vous ne pourriez donc pas être maire… Peut-être président de la République et encore, car vous diriez : “On doit voir le pb globalement au niveau mondial”…

    Votre pensée vous conduirait-elle alors à l´inaction ?

  5. Mais pour “voir le problème au niveau mondial”, il faut déjà avoir abandonné tout ce qui empêche de voir de manière globale: le nationalisme, le communautarisme, le régionalisme, etc. C´est pourquoi une personne voyant de manière globale ne peut pas être en même temps un politicien, ou un membre d´un groupe quel qu´il soit. C´est totalement antinomique. On ne peut pas défendre des intérêts fragmentés et voir de manière globale, sans générer une insurmontable contradiction, et donc sans créer ou perpétuer des problèmes. Ce qui indique que cette vision globale est juste une idée ou un concept, et non une véritable vision, qui n´accepte aucun “oui, mais…”. L´important n´est donc pas alors d´avoir une vision globale, ce qui est impossible en étant et en pensant de manière fragmentée, mais d´observer, plutôt, l´état de fragmentation dans lequel nous vivons, sans chercher à agir dessus, être juste conscient de, sans division. Le “je” est fragmenté, tout comme le monde est fragmenté: il n´y a pas de division étanche entre la collectivité et les individus qui la composent. Le monde est le produit de chaque individu vivant en son sein et dont l´esprit est individuellement et collectivement conditionné. La pensée est la “fleur” du conditionnement, et si l´on est intéressé par découvrir ce qu´il en est de la réalité, et sans vouloir paraître trop catégorique à ce sujet, comprendre le fonctionnement de la pensée est une sérieuse option dont il est illusoire de vouloir dénier la portée ou l´importance.

  6. @ ab : Vous répondez : “Exactement” à ma question.

    Donc, toujours si je vous comprends bien, vous revendiquez l´inaction. Mais que répondrez-vous alors à ceux qui vous reprocheraient la non-assistance à personne en danger et la complicté passive ?

  7. Il ne s´agit pas de revendication dont il est question ici. Revendiquer l´inaction est aussi absurde vraiment que de revendiquer telle ou telle action. Vous voyez, Mibémol, ce que l´on appelle “action” est en fait une réaction de la pensée basée sur une idée, une expérience ou une accumulation de savoirs. L´esprit établit un schéma de pensée auquel il adhère, un système de pensée ou de croyance, une idéologie, et reste avec cela, car il trouve une certaine forme de sécurité dans ces constructions de pensée. Ce système, l´esprit l´appelle “inaction”, ou alors cela peut être n´importe quel autre système, mais tout système implique le conformisme, se conformer à un schéma de pensée ou d´action, ou d´inaction, ce qui n´est pas ce qui est exprimé ici. Lorsque l´on se conforme, l´on ne peut être libre. Se conformer, c´est dépendre. Et comme l´esprit jongle d´un opposé à un autre opposé, psychologiquement, vous pourriez me dire: “alors vous prônez l´anti-conformisme”, ce qui n´est pas non plus le cas. L´absence d´action n´est pas une idée, ou une chose ou un système, c´est plutôt l´absence d´idées, de choses ou de systèmes qui est la véritable action, mais vous ne pouvez la concevoir, car ce que vous concevez est idée, chose ou système. Une non-chose ne peut s´acquérir, tout comme la liberté, l´intelligence ou l´amour, car si  tout cela peut s´acquérir, ou se concevoir, c´est déjà mort ou révolu. Qui dit option, dit choix, et tout choix est conditionné par ce qui génère ces choix, l´esprit peut-il vaquer là où le choix n´est pas ? Car là où il y a choix, il ya nécessairement confusion, ce que les philosophes appellent, je ne sais pas pourquoi: “libre-arbitre”. Là où il y a choix, ou “libre-arbitre”, il y a confusion et dès lors friction et conflit, incertitude. Lorsqu´il n´y a plus de choix, alors seulement il y a action sans l´ombre du passé, et donc clarté.