Initiative citoyenne

Philippe Merlant, journaliste : « Les reporters citoyens ont appris à oser ! »

“Reporter citoyen” ouvre les métiers du journalisme à ceux qui n’y ont pas accès. En l’occurrence, à des jeunes des quartiers populaires. Née sous l’impulsion de l’École des métiers de l’information (EMI) et de LaTéléLibre, l’initiative est coordonnée notamment par le journaliste Philippe Merlant (ex-La Vie). Interview.


John Paul Lepers, LaTéléLibre, et Philippe Merlant, coordonnateur de reporter-citoyen.

Ouvertures.- En quoi consiste l’initiative ?

Philippe Merlant.– Le recrutement des journalistes devient de plus en plus sélectif et formaté. Il n’est pas le reflet de la diversité et son accès est difficile pour les personnes venant des milieux populaires. Reporter citoyen est une formation gratuite, sur trois ans, non diplômante, au journalisme multimédia. Elle est accessible à des jeunes de 18 à 30 ans, par ailleurs étudiants, salariés ou à la recherche d’emploi, des quartiers d’habitat social de trois villes de la région parisienne : Boulogne-Billancourt, Stains et Créteil. Ils suivent des cours hebdomadaires à l’EMI et réalisent des reportages, écrits ou vidéo, dans leurs quartiers comme à l´étranger (par exemple à Dakar pour le Forum social mondial) et au Moyen-Orient).

– Quel est votre rôle ?

– Je les accompagne sur le terrain et dans la réalisation de leurs reportages écrits. Et je suis l’interlocuteur des collectivités locales qui participent au projet. Pour la vidéo, ils sont suivis par LaTéléLibre de John Paul Lepers.

– Que deviennent les reportages ?

– Ils sont publiés sur le site reporter-citoyen.fr, qui est un site école, pas un média et qui héberge aujourd’hui 180 sujets : un tiers de vidéos, un tiers d’articles longs et un tiers d’articles plus courts.


Les élèves journalistes et les deux initiateurs du projet.

– Commencée en février 2010, la formation se termine en juin. Quel premier bilan tirez-vous de l’expérience ?

– Nous avions démarré avec dix personnes par ville. La moitié seulement a continué jusqu’au bout. Ce n’est pas étonnant : le projet est très prenant et chacun a d’autres activités par ailleurs. Certains tireront profit de leur expérience en montage vidéo ou webmastering. En tout cas, leur CV se sera enrichi.

D’autres voudront vraiment devenir journalistes. Nous réfléchissons d’ailleurs à la conception d’un nouveau diplôme en journalisme multimédia, après deux ans à temps plein d’une formation en alternance.

En tout cas, une deuxième promotion démarrera en septembre 2012, dans d’autres villes.

– Et sur un plan plus qualitatif ?

– Beaucoup nous disent que, en formulant leur questions pour les interviews, ils ont appris à oser, à interpeller les responsables. La formation est pour eux une réussite dans le sens où elle leur a donné confiance en eux, en leur rôle de citoyen. Ils ont grandi.

Philippe Merlant

Coordinateur de “Reporter citoyen”, Philippe Merlant est journaliste professionnel depuis 1975 (France Inter, L’Équipe, Libération, Autrement, L’Entreprise, L’Expansion, Tranversales Science Culture et La Vie) et formateur. Cofondateur du site Internet Place Publique, il explore depuis 1996 les conditions d’émergence d’une information « citoyenne ». Il est aussi co-auteur, avec Luc Chatel, de “Médias : la faillite d’un contre-pouvoir” (Fayard, octobre 2009).

> reporter-citoyen

> Le film « Je suis un reporter citoyen »

> L’expérience racontée par Philippe Merlant sur son blog de La Vie.

> Philippe a reçu la médaille de Chevalier de l´Ordre National des Arts et Lettres, des mains du ministre de la culture, pour le projet Reporters Citoyens (22 mars 2012).

>> Envoyer un droit de réponse

1 commentaire pour cet article

  1. C´est plaisant d´apprendre qu´il y´a de jeunes reporters, et que le journalisme sortira peut-être un peu du cadre actuel, à savoir, la soumission à des grandes institutions pour pouvoir exister, des années d´études pour un papier, beaucoup d´argent gaspillé pour apprendre ce que nous savons tous dès la naissance si nous en avons le talent, l´art d´écrire.

    Un art qui a mon avis ne se trouve pas dans de longues études mais dans une appréciation de la beauté de chaque chose existante.