Notre-Dame du développement durable, huile sur toile de Jacques Blamont (2006)

Notre-Dame du développement durable - Jacques Blamont (2006)

Notre-Dame du développement durable – Jacques Blamont (2006)

Dans son livre avec Jacques Arnould, « Lève-toi et marche » Propositions pour un futur de l’humanité, Odile Jacob (2009), Jacques Blamont explique la genèse de son tableau et reproduit l’analyse qu’en a faite son coauteur.

(…) [L’une de mes peintures à l’huile] s’intitule Notre-Dame du développement durable, peinte du 4 au 30 août 2006 avec une double inspiration : d’une part, quelques dessins remontant au début des années 1960, crayonnés pendant les séances de comités divers en réminiscence de Piero della Francesca et représentant des anges musiciens ; d’autre part une photographie restée dans ma mémoire depuis la même époque, où l’on voyait un petit tuberculeux mourant dans les bras d’une infirmière.
Après l’avoir terminé, je montrai l’objet à la femme de ménage. Elle en eut si peur qu’elle ne put dormir la nuit suivante. Le tableau suscitait donc une émotion. Je me suis avisé qu’il trahissait une inflexion dans mon indifférence habituelle à ce qui n’est pas quantitatif et, non sans hésitation, j’ai osé en donner une reproduction photographique au Très Réverend Père Jacques Arnould, dont le bureau avoisine le mien au Centre national d’études spatiales. Je n’avais encore jamais laissé voir aucune de mes croûtes à personne, sauf à quelques membres de ma famille.
Voici la réponse de Jacques Arnould au tableau.

Cher Monsieur,
Je reviens enfin à votre tableau et écris de vive plume les pensées qui me traversent l’esprit en le regardant.
Le monde est en feu, disait Thérèse d’Avila. Et vous-même ne le dites-vous pas, à longueur de pages et de conférences ? Où sont les pompiers, les secours ? Personne ne se tourne vers la maison assaillie par les flammes. Le bœuf et l’âne (nous représenteraient-ils, nous les humains, devenus « bêtes à manger du foin » ?) regardent de leurs yeux mi-clos une autre scène, mélange étrange d’une nativité et d’une pietà. La Vierge a pris le voile de la bonne soeur, l’enfant Jésus a les traits d’un enfant africain et affamé. La soeur a un drôle de regard presque aveugle, comme les deux animaux. On pense à L’Annonce faite à Marie de Claudel, mais on sait que la femme ne pourra ressusciter le petit squelette à peine capable de crier. Notre humanité aussi ? Deux pots (un lys, une rose ? Encore des symboles religieux forts. Virginité ou stérilité ?), trois anges (eux aussi des figurants pour occuper le fond de scène comme le feraient des vases ?). Mais ce ne sont pas des anges de l’Apocalypse : leurs instruments sont ceux du plaisir, de la cour, pas de champs de .bataille et d’extermination. Pour qui jouent-ils puisqu’ils ne sonnent pas le glas ? Et cette balustrade, prétentieuse comme le carrelage blanc et noir. Et si tout cela n’était finalement qu’une mise en scène ? Pour quoi faire alors ? Juste pour nous faire peur, nous attendrir ? Où est le piège ? Décidément, on ne donnerait pas le bon Dieu sans confession à cette étrange soeur…

Un dialogue naissait entre nous (…)

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