Concepts

L’objectivité de l’information est bien une exigence déontologique majeure

A contrepied de ce que disent généralement les journalistes, un document de l’Observatoire de la déontologie de l’information (ODI) affirme la nécessité de considérer l’exigence d’objectivité comme un des fondements de l’exercice professionnel.

Sous prétexte que « l’objectivité » n’existe pas, les journalistes avaient pris l’habitude de refuser ce mot pour le remplacer par celui d’« honnêteté ». Un passage du deuxième rapport de l’Observatoire de la déontologie de l’information (ODI) avait fait fait réagir Jean-Luc Martin-Lagardette dans un article publié sur son blog le 20 octobre 2014.

Pour éclairer les concepts d’objectivité et d’honnêteté de l’information, Patrick Eveno, président de l’Observatoire de la déontologie journalistique (ODI) a réuni un groupe travail.

Ce dernier a conclu à l’intérêt de remettre l’objectivité à l’honneur, au moins comme horizon à atteindre et dans l’acception commune attendue par le public.

Voici l’extrait de la note de l’ODI concernant « l’objectivité journalistique » :

Ojectivité ODI

« Le public reproche souvent aux journalistes leur manque d’objectivité. Bien des journalistes répondent que l’objectivité n’existe pas et qu’en tout état de cause, elle ne relève pas de la nature et des conditions d’exercice de leur travail. Comment y voir plus clair ?

Peut-être en écartant d’abord les définitions philosophiques ou scientifiques du mot pour s’en tenir à son acception courante : est objectif ce qui est exempt de partialité et de préjugés. Mais nous savons que l’observation d’un événement et sa relation ne peuvent être réalisées indépendamment de la personnalité, de la culture, des convictions et des préoccupations des journalistes qui en sont, individuellement ou collectivement, les auteurs.

D’une part, le travail du journaliste suppose une série de choix qui éloigne de la narration objective : en particulier, sélection des faits, choix d’un angle, choix des mots, choix des illustrations, hiérarchisation des événements entre eux. D’autre part, le journaliste n’est pas toujours conscient de tous les filtres à travers lesquels il voit la réalité. Certes, il exerce le plus souvent son métier à l’intérieur d’un média qui a, implicitement ou explicitement, une ligne éditoriale ; son regard est confronté à celui d’autres journalistes avec lesquels il travaille au sein d’une rédaction. Ces éléments peuvent limiter ou corriger sa subjectivité et favoriser une approche plus équilibrée des réalités décrites.

Il n’en demeure pas moins que l’objectivité totale paraît hors d’atteinte ; même les scientifiques l’admettent dans leur domaine. Faut-il pour autant la considérer comme une chimère et remplacer le mot par un autre : l’honnêteté ou l’impartialité par exemple. Nous plaidons plutôt pour garder le mot objectivité dans son acception courante et d’en faire un horizon à atteindre.

Comment un journaliste peut-il tendre vers l’objectivité ? La réponse ne relève pas d’un comportement moral mais de la mise en œuvre d’une méthodologie professionnelle de construction de l’information.

Pour fournir au public une information complète, précise, et la plus exacte possible, le journaliste doit se donner ou se faire donner les moyens de connaître tous les aspects d’un événement, de les situer dans leur contexte, de vérifier et de recouper les sources, de présenter de façon équilibrée et impartiale les points de vue des acteurs en présence, et savoir, quand il le faut, penser contre lui-même.

Pour mener à bien les différents aspects de sa tâche, le journaliste a besoin de temps et d’indépendance. Sans que ce constat puisse servir d’excuse ou d’alibi, il est vrai qu’aujourd’hui l’exigence d’immédiateté imposée par Internet, les contraintes économiques des médias, leur concurrence acharnée, la pression des pouvoirs et les impatiences du public rendent ces biens – le temps et l’indépendance – de plus en plus rares.

La mise en œuvre d’une méthodologie rigoureuse pour tendre vers l’objectivité s’insère dans le cadre plus large de l’exigence déontologique : le journaliste utilise la liberté d’expression pour satisfaire le droit du citoyen à l’information ; les informations qu’il publie doivent l’être dans un esprit d’équité et de responsabilité, en respectant les devoirs définis par les chartes professionnelles.

Cette exigence implique aussi que le journaliste évite de « surfer » sur les préjugés et les clichés à la mode, de préférer le brillant de la forme à la solidité de l’information, ou encore de mélanger son point de vue avec la présentation des faits, de mettre en avant sa personne plutôt que l’événement.

C’est à ce prix que la recherche de l’objectivité doit permettre de s’approcher au plus près d’une restitution fidèle de la réalité et, au-delà, d’exprimer la vérité. »

> Médaillon de Une : Patrick Eveno, président de l’ODI.

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