Crise financière

Enjeu pour la France et l’Allemagne : sauver la Grèce sans nuire aux contrats d´armement

Les Européens s’efforcent de trouver des solutions à la crise financière des Hellènes. Mais derrière les négociations officielles, certains voient se profiler les intérêts des industriels européens de l’armement.

 
« Il faut arrêter l’hypocrisie : on donne de l’argent aux Grecs pour qu’ils puissent
acheter nos armes ! » Daniel Cohn-Bendit, s’exprimant le 6 mai dernier au nom
du groupe des Verts/ALE devant les députés européens lors de la préparation
du Sommet des chefs d’Etats et de gouvernements sur “l’espace Euro”
du 7 mai  2012. Cliquer sur l´image pour voir l´intervention.

Les Européens ont beaucoup prêté à l’État grec. Leurs entreprises y ont aussi beaucoup exporté. La France, par exemple, est en excédent commercial de plus de 2,6 milliards d’euros avec la Grèce. « Le sauvetage de la Grèce serait donc aussi salvateur pour l’économie française », écrit le magazine Challenges.

Et en particulier pour les industries de l’armement : la Grèce, en effet, est un des plus grands importateurs d´armes dans le monde, en raison, notamment, du conflit latent avec la Turquie à propos de Chypre. En 2010, lorsque le premier renflouement a été négocié, le pays a dépensé près de six milliards pour son armée (30% du déficit budgétaire et 4,3 % du PIB). Sur les 20 dernières années, il a toujours dépensé pour sa défense un pourcentage de son PIB supérieur à celui de tout autre pays de l´UE (3,1% contre 2% du PIB en moyenne par les pays de l´UE).

Le plan d’austérité imposé par l’État aux citoyens permettrait d’économiser quelque 10 milliards d’euros spoit environ deux fois plus que le budget de la Défense. Le pays compte 150 000 militaires sur 800 000 fonctionnaires !

Payer les armes et réduire les dépenses publiques

Or, la France et l´Allemagne ont encouragé la Grèce à continuer à privilégier les dépenses militaires après la crise financière de 2008. Ces deux gouvernements ont également insisté pour que la Grèce continue à honorer ses factures pour les armes livrées malgré l’obligation pour elle de prendre des mesures d’austérité pour la population, de tailler dans toutes les dépenses publiques dans le cadre des plans de sauvetage de l´UE en 2010 et 2012.


Mikis Theodorakis. Photo : contreinfo.

Dans un retentissant billet, titré “Notre pays s’enfonce dans les ténèbres du Moyen Âge“, le compositeur grec Mikis Theodorakis, ancien résistant et héros de la lutte contre le régime des colonels, note : « L’année passée, M. Juncker [président de l´Eurogroupe] a déclaré qu’il avait remarqué lui-même l’hémorragie financière massive de la Grèce qui était due aux dépenses excessives (et obligées) pour l’achat de matériel de guerre – de l’Allemagne et la France en particulier. Et il a conclu que ces vendeurs nous conduisaient à un désastre certain. Hélas, il a avoué qu’il n’a rien fait pour contrecarrer cela, afin de ne pas nuire aux intérêts des pays amis ! »

Dans une conférence de presse donnée le 4 mai 2012 à Paris, Daniel Cohn-Bendit, député Alliance verte et Libre Européenne au Parlement européen, a accusé nommément l’ex-président de la République et l’ex-premier ministre français d’avoir fait pression sur le premier ministre grec, Georges Papandréou, en lui glissant sous forme de chantage lors d’une rencontre en marge du sommet de l’Otan à la mi-février : “Nous allons lever des sommes pour vous aider, mais vous devez continuer à payer les contrats d’armements qu’on a avec vous, signés par le gouvernement Caramanlis”. On sait que la France a obligé la Grèce à maintenir un contrat de 2,5 milliards d’euros sur des frégates françaises, un contrat de 400 millions d’euros sur des hélicoptères et un contrat sur plusieurs avions à 100 millions d’euros pièce. Il y a aussi en jeu des sous-marins allemands ».

Il serait plus raisonnable et économique, dit en substance le député écologiste, que les Européens assurent la sécurité du territoire grec. En échange, ils négocient le départ des Turcs de Chypre et le désarmement de la région.

Zizanie

Ces sommes gigantesques finissent par semer la zizanie entre pays de la région : l’Allemagne s’oppose aujourd´hui à une vente programmée de frégates de la France à la Grèce. Motif : politiciens et industriels allemands craignent qu’une partie de la facture finale en revienne aux contribuables allemands et demandent à la chancelière d’intervenir. Le raisonnement est le suivant : la Grèce, dépendant de l’aide de l’Union européenne et du FMI, pourrait avoir à restructurer sa dette. Alors, les contribuables allemands paieraient pour une partie des dépenses du gouvernement grec, dont l’achat des frégates.

Le gouvernement grec tente de réagir. En 2011, il a amputé de 20 % le budget de sa défense par rapport à 2010. 16 % de coupes supplémentaires doivent être réalisées cette année. Mais toutes ces réductions viennent entraver les contrats d´armement signés. D’âpres négociations avec les pays fournisseurs sont à l’œuvre…

> Sources : Challenges, contreinfo, France-Info, Guardian, myeurop, Oxfam.

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2 commentaires pour cet article

  1. Dans la Constitution grecque il est écrit que les plus riches (les armateurs) sont exemptés d’impôts ! L’Église orthodoxe grecque, le plus grand propriétaire foncier de Grèce, dispose d’un privilège fiscal. En pourcentage du PIB, la Grèceest le pays de l’UE qui dépense le plus en armement, La Grèceconsacre plus d’argent à sa Défensequ’à l’Éducation pour le grand bonheur des états et des marchands d’armes européens ou américains. L’impôt n’est payé que par ceux que l’État peut contrôler, puisque c’est lui qui les paye : les retraités et les fonctionnaires. Les professions libérales sont épargnées, alors que dans leur écrasante majorité elles fraudent de façon notoire. Les médecins par exemple déclarent en général moins de 20.000 euros  par an. On met toujours la faute sur les plus pauvres, alors que ce qui coûte le plus cher à une nation, ce sont ses riches !

    http:/-2ccr.unblog.fr-2012-03-06/grece-laboratoire-de-l-europe/