Pour (bien) sortir de prison (et ne plus y retourner)

Pour tenter de briser le cercle vicieux liant pauvreté et prison, Emmaüs lance une démarche sociale originale : des citoyens accompagnent des détenus pauvres avant et après la sortie de prison. Le premier bénéficiaire devrait sortir de la maison d’arrêt de Bayonne d’ici la fin février.


Tout n´est pas fini après l´ouverture des portes…

L´expérimentation menée par Emmaüs a pour nom : Sortir et s’en sortir. Il s’agit, pour les plus pauvres, de leur faciliter  l’accès à la liberté conditionnelle et à la semi-liberté grâce à un accompagnement adapté au « libérable » avant et après sa sortie.

En partenariat avec l’Association nationale des juges d’application des peines (Anjap), l´association lance sur deux ans, dans trois départements (L’Indre-et-Loire, les Landes, les Pyrénées-Atlantiques), des plateformes d’offres d’insertion pour sortir dans de bonnes conditions.

« Nous allons favoriser l’accès à ce qui existe déjà à l’extérieur mais en coordonnant mieux les acteurs aujourd’hui éclatés. Tout en allant vers les personnes détenues qui n’expriment pas ou plus le désir de bâtir un projet de vie », explique Gabriel Mouesca, chargé de mission prisons pour Emmaüs France, cité dans le bulletin de l’association. Les services pénitentiaires d’insertion et de probation repèrent les détenus libérables. Les conseillers d’insertion et de probation (CIP) réunissent les conditions nécessaires pour obtenir un aménagement de peine : un logement ou un hébergement, un parcours de soins et un emploi.

Les ratés de la loi pénitentiaire

« La loi pénitentiaire votée par le Parlement est calamiteuse pour les prisonniers pauvres, s’indigne Christophe Deltombe, président d’Emmaüs France. C’est un principe de la charité qui s’est imposé et non une démarche visant à redonner au condamné sa dignité. Une fois de plus, la réinsertion a été en partie oubliée au profit de la sanction. Une telle situation est à la fois indigne d’un pays comme le nôtre et la marque d’une grande bêtise. A-t-on besoin de fabriquer des récidivistes et des exclus qui, les uns comme les autres, pour des raisons différentes, sont des charges lourdes pour la collectivité ? De même qu’une société a intérêt à former sa jeunesse, elle a aussi tout à gagner à aider à la réinsertion des prisonniers. Certes cela a un coût. Mais ce coût est beaucoup plus lourd si la réinsertion a échoué ».

La loi pénitentiaire, votée le 22 septembre 2009, n’a pas retenu les propositions de l’association : le respect du principe de  l’encellulement individuel des personnes détenues, l’obtention de l’allocation d’insertion (RSA) pour les personnes détenues, une véritable politique d’insertion au travers du recours aux aménagements de peine et la fin de mesures de sécurité portant atteinte à la dignité des personnes détenues.

Au nom des valeurs républicaines, humanistes et sociales

 Originalité : ces CIP ne sont plus seuls : des accompagnants complètent leur action. Issus d’associations locales, de la Croix-Rouge, de l’Association nationale des visiteurs de prison, de la Cimade ou du Secours Catholique, ils bénéficient d’une formation pour cette mission et interviennent avant et après la sortie de prison.

« Ces citoyens vont soutenir les détenus au nom de valeurs républicaines, humanistes ou sociales, poursuit Gabriel Mouesca. Ce sont des acteurs neutres, sans lien avec l’administration pénitentiaire contrairement aux CIP. » Ce chaînon manquant, entre l’avant et l’après la sortie de l´incarcération, aidera le prisonnier à anticiper la sortie. Il sera son lien avec l’extérieur, afin que celui-ci reste acteur de son projet d’insertion. Et restera aussi à ses côtés, une fois dehors. « Pendant trois mois renouvelables, car c’est la période de tous les dangers pour ceux qui n’ont pas de soutien », souligne Gabriel Mouesca.

Le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) évaluera ce nouveau dispositif.

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