Au-delà des oppositions de principe

La tendance est à la simplification, au « binaire ».  Blanc ou noir, avec un penchant pour le « duel », pour reprendre le titre d’une chronique radiophonique. Nous sommes bien loin du développement durable, qui propose, à l’inverse, d’entrer dans la complexité des choses, et de sortir des contradictions « par le haut ». C’est ainsi que l’on oppose ce qui doit être conjugué.


Dominique Bidou.

Citons quelques couples pour illustrer cette dérive. Equité et efficacité, opposition qui justifierait que la première soit négligée ; responsabilité et solidarité, comme si un système organisé de solidarité n’exigeait pas de ses bénéficiaires le sens de leur responsabilité ; individualisme et collectivité, comme si le groupe où chacun se développe n’était pas constitutif de sa personnalité ; prévention et répression, deux facettes de la même médaille ; local et global réunis depuis longtemps dans l’expression penser globalement, agir localement. On pourrait décliner à l’infini ces oppositions factices, qui ne font que détourner les esprits des vrais débats et de la variété extrême des situations.

Plus ou moins d’impôts ? La question illustre ce phénomène. Réduire un prélèvement obligatoire de droit pour qu’il devienne un prélèvement obligatoire de fait n’est pas forcément un progrès. Il peut l’être s’il ouvre une variété de réponses possibles à la place d’une solution unique, mais encore faut-il que le prix de cette nouvelle offre ne soit pas incontrôlé. Un prélèvement pour des transports collectifs performants peut se révéler bien plus avantageux que de laisser à chacun la liberté de trouver une solution individuelle. Celle-ci sera souvent bien plus coûteuse que la solution collective, et exclura de fait une partie de la population du droit à la mobilité. Un appauvrissement général en serait la conséquence, avec, réaction en chaine, l’obligation pour les pouvoirs publics d’augmenter les impôts pour maintenir ses finances malgré cet appauvrissement. La question n’est pas « pour ou contre les prélèvements », mais du bon prélèvement pour le bon usage.

Public ou privé ? La question des contrôles aux aéroports vient de relancer le sujet. Les sociétés – privées – de surveillance sont prises en défaut par des journalistes qui font passer des armes malgré les portiques et les fouilles. Au-delà des statuts des personnels, c’est leur compétence qui est en cause, le nombre d’heures de formation, l’organisation du travail sur place. Il est possible d’avoir des fonctionnaires sous-formés comme des « privés » sur-formés. Tout dépend de la volonté que l’on exprime et des moyens que l’on y met. Avec des diplômes et des accréditations, la puissance publique peut parfaitement mettre la barre assez haut. Il faudra alors en payer le prix. Rappelons-le, un servi ce public peut parfaitement être rendu par le secteur privé sous contrôle public. C’est courant par exemple dans le domaine de la santé, avec des professions réglementées.

A l’inverse, fonder des politiques sur des statistiques et des taux, comme un taux de fonctionnaires à réduire coûte que coûte, est dangereux pour ne pas dire imbécile. Ce serait accepter que le secteur public soit par essence moins efficace que le privé. Si cela est vrai, pourquoi s’y résigner, et si cela est faux, pourquoi devenir l’otage d’une statistique ? Il y a des fictions qui circulent ainsi, des objectifs abstraits, des idéaux imaginaires, chargés de significations multiples souvent sans lien direct avec la réalité du vécu. Le développement durable nous invite à ne pas se succomber aux charmes de ces sirènes, et à rester lucides.

* Fiche d´identité

Aujourd´hui consultant en développement durable, ingénieur et démographe de formation, Dominique Bidou fut notamment directeur au ministère de l’environnement, membre du Conseil général des Ponts et Chaussées au ministère de l’équipement, président de l’association HQE (haute qualité environnementale). Il est membre de l´académie d´architecture. Il préside aujourd’hui le Centre d’information et de documentation sur le bruit et est membre de conseils d’administration et de conseils scientifiques d’organismes oeuvrant pour l’environnement et le développement durab


>> Le site de Dominique Bidou consacré au développement durable. Une démarche pédagogique élégante et originale.

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