Des citoyens luttent pour obliger la Commission européenne à plus d’éthique

Il faut beaucoup d’énergie et de persévérance à des citoyens, regroupés en une Alliance ad hoc (Alter-EU, Alliance pour la transparence du lobbying et la régulation déontologique dans l’Union européenne) pour arracher à la Commission européenne des règles plus équitables en matière de lobbying et d’influences.


Yiorgos Vassalos.

« En l’absence d’une “opinion publique européenne”, et loin de toute opinion publique nationale, la législation européenne est formée sous l’influence de plus de 20 000 lobbyistes qui en fait remplacent l’opinion publique », observe Yiorgos Vassalos, chercheur à l’Observatoire de l’Europe industrielle (Corporate Europe Observatory), organisation membre du groupe de pilotage de l’Alter-EU.

« 70% de ces lobbyistes représentent les intérêts des grosses entreprises. Dans le cadre de la nouvelle gouvernance économique, ce sont eux qui auront le plus de possibilités d’influencer la politique économique de chaque Etat-membre, jusque dans le détail des budgets ».

M. Vassalos s’exprimait dans le cadre du séminaire « Lobbying, conflits d’intérêt, expertise : quels pouvoirs, quels contre-pouvoirs ? » organisé à l’initiative d’organisations membres du réseau citoyen Etal le 19 janvier 2011 au Sénat. 

Il a rappelé que 50% de l’ensemble de la législation adoptée par les États au niveau national et 80% de la législation économique ont Bruxelles pour point de départ.

Depuis 2008, un registre des lobbyistes existe. Mais s´y inscrire n´est pas obligatoire, si bien qu’il ne couvre à l’heure actuelle que 40% de ces professionnels de l’influence basés à Bruxelles (soit 112 agences). En juin 2011, un registre commun du Parlement et de la Commission sera lancé. Un des effets principaux attendus est une augmentation significative du nombre de lobbyistes autodéclarés : à peu près 80% en ce qui concerne les agences de conseil en lobbying.

Mais, déplore Yiorgos Vassalos, « tous les lobbyistes qui ont absolument besoin de rester dans l’ombre le feront. Seul un système obligatoire [pourra] imposer des sanctions aux lobbyistes qui aujourd’hui déclarent des budgets peu crédibles. Notre objectif est un registre obligatoire avant la fin du mandat du Parlement et de la Commission en 2014 ».

Six commissaires sous surveillance citoyenne


Dossier d’Alter EU sur les conflits d’intérêts des ex-commissaires européens.

Alter-EU a mené campagne en 2010 en se concentrant sur les six anciens commissaires qui ont obtenu des emplois dans de grandes multinationales, juste après la fin de leur mandat. Cette action « a beaucoup contribué à la pression publique qui a notamment abouti à la démission de l’ancien Commissaire Mc Creevy de la banque NBNK. Après la publication du projet d’un nouveau Code de conduite pour les commissaires, le Parlement et les citoyens doivent continuer à maintenir la pression pour obtenir une période des trois ans de mise à l’écart et d’interdiction générale du lobbying pour tous les ex-commissaires, ainsi qu’une définition claire des conflits d’intérêt ».

Enfin, l’association milite pour limiter les phénomènes d’accès privilégié des multinationales dans la préparation des lois européennes : « Dans les groupes qui ont la charge de proposer les premières idées pour de nouvelles propositions législatives, les grandes entreprises sont de loin le groupe le plus représenté. Il n’y a aucune comparaison possible entre le nombre de membres des groupes d’experts qui représentent les intérêts des entreprises multinationales et le nombre des gens qui représentent des syndicats, des associations citoyennes, des petites entreprises ou des universitaires indépendants se réclamant de l’intérêt général. On compte plus de 100 groupes d’experts dominés par les grandes entreprises alors que ceux qui sont dominés par exemple par les syndicats se comptent sur les doigts d’une seule main ».

« Il faut virer ces 190 lobbyistes financiers »

Environ 250 lobbyistes financiers conseillent environ 150 hauts fonctionnaires : « Le plus grand scandale est qu’environ 200 des 250 lobbyistes mobilisés sur ce sujet sont censés être présents à titre personnel et non professionnel ; ils signent une déclaration sur l’’honneur affirmant qu’ils agissent au nom de l’intérêt public, et cela suffit… Avec de tels conseillers, on ne doit pas s’étonner que la réforme du système financier soit aujourd’hui aussi anémique. Nous essayons de convaincre le Parlement d’ouvrir un processus politique sur la question des groupes d’experts. C’est important que la pression publique monte pour faire virer ces 190 lobbyistes qui prétendent jouer les experts indépendants ».

Yiorgos Vassalos conclut : « Il faut rejeter l’excuse la plus souvent entendue à Bruxelles, que ce sont les institutions qui prennent finalement les décisions et pas les lobbyistes. Savoir qui exactement prend les décisions est important mais pas essentiel : ce qui importe avant tout est de savoir dans quel cadre conceptuel se prennent les décisions et quels sont les intérêts qui y prédominent. L’époque ou l’intérêt des marchés était considéré comme synonyme de l’intérêt général doit finir, car ce n’est rien moins que l’avenir de la démocratie qui est en jeu ici ».

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3 commentaires pour cet article

  1. Un sujet politique qu´on aimerait bien voir traiter dans les programmes politiques pour 2012.

  2. me semble l´unique alternative afin d´assurer une co-gestion responsable des ressources de la planète pour le bénéfice de tous et pour assurer les besoins primordiaux (nourriture saine, logement, vêtements) pour chaque habitant de la planète. Les politiciens sont des idéologues incapables de se mettre d´accord sur quoi que ce soit, ils sont plus nuisibles qu´utiles au développement de l´humanité. En reléguant le pouvoir de décision à des ordinateurs, les risques d´erreurs sont d´autant moins grands que les questions auxquelles la politique s´applique s´inscrivent dans une démarche unifiée et globale, impliquant de mettre fin aux idées de nations et de groupes de nations en compétition les uns avec les autres. Si la compétition existe, la coopération ne peut pas exister. Il faut donc tout d´abord sortir du système compétitif nationaliste ou communautaire dont l´Europe en est une extension particulière.