Vaccination : les propos déroutants d´un parlementaire

Le journalisme est un métier très difficile, beaucoup plus qu’on ne le croit généralement. Nous, journalistes, avons en effet vite fait de nous tromper sur les propos d’autrui, de les interpréter, soit selon notre grille personnelle, soit en raison de la déformation apportée par des intermédiaires. Dans le cas présent, nous avons décortiqué une information qui laissait entendre que Jean-Michel Dubernard, alors député, émettait des doutes sur l’utilité de la vaccination en général. Notre article avait ému certains de nos lecteurs et nous avons voulu en savoir plus. Voici le déroulé de notre enquête. Vous pourrez mieux ainsi vous construire vous-même votre propre jugement.


Le chirurgien et ex-député Jean-Michel Dubernard.

Dans notre enquête sur l’obligation vaccinale, nous avions pointé les contradictions et insuffisances de la politique vaccinale en France, démontrant que la suspicion croissante des Français vis-à-vis de cette pratique était due essentiellement à une attitude autoritaire des pouvoirs publics, au manque de transparence sur les effets secondaires, à l´insuffisance de l´épidémiologie, à une connaissance encore faible de l’immunologie et à la diabolisation d’une partie de la population (les associations pour la liberté vaccinale et les sectes), etc.

Nous avions alors conclu, non à l’inutilité des vaccins, mais à la nécessité d’approfondir l’étude scientifique sur les vaccinations ainsi qu’à la nécessité d’ouvrir un débat citoyen.

Lors d’une table ronde sur le thème « Les vaccins en France : quels enjeux pour l’industrie pharmaceutique et la recherche ? », réunie le mercredi 6 juin 2007, sous la présidence de Jean-Michel Dubernard, organisé par l’Office parlementaire d’évaluation des politiques de santé (Opeps), il a été dit, selon le compte rendu mis en ligne, que « l’utilité des vaccins n’est pas prouvée scientifiquement ».

Voici le dialogue dans lequel s’insérait cette affirmation :

« M. Nicolas About, sénateur, vice-président, s’est étonné de la couverture vaccinale moyenne de la France, alors qu’il s’agit de l’un des pays les plus contraignants en matière d’obligation vaccinale.

M. Claude Le Pen, membre du comité d’experts, a estimé que ce résultat est plutôt le fait d’un lobby anti-vaccinal plus fort que dans les autres pays.

M. Alain Sabouraud, pharmacien responsable de Sanofi Pasteur, a ajouté qu’il n’existe pas en France de promotion de la politique vaccinale, à la différence de celle menée au niveau mondial par l’OMS ou aux Etats-Unis par le Center for Disease Control. Il a estimé que, face au lobby anti-vaccinal, les laboratoires sont mal placés pour faire la promotion du vaccin. Ce rôle pourrait en revanche être confié au comité technique des vaccins (CTV).

M. Eric Guez, de Novartis Vaccines, a considéré que la défiance à l’égard du vaccin relève, en France, d’un manque de confiance dans les résultats.

Le président Jean-Michel Dubernard, député, en a convenu, rappelant qu’il n’existe pas de preuve scientifique sur l’utilité des vaccins. »

La langue de Jean-Michel Dubernard (alors député), président de la table ronde et premier vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des politiques de santé, n’a apparemment pas fourché. En effet, il réitère un peu plus loin sa pensée en disant qu’il « manque des données scientifiques permettant d’apprécier l’utilité des vaccins » !

Nous avions ajouté un article à notre enquête pour donner cette information. Ces propos dans la bouche d’un tel responsable politique avaient étonné nos lecteurs. D’autant plus que le parlementaire n’avait pas été démenti par ses interlocuteurs présents lors de cette réunion qui rassemblait les plus grands experts dans ce domaine.

Cela ne pouvait qu’ajouter à la perplexité et au doute concernant la vaccination. Pourquoi alors affirmait-on constamment et fortement le contraire au public ? Que les vaccins sont sans risque, que leur utilité est scientifiquement établie, etc. ?

C’est pourquoi nous nous étions interrogés : soit ce député a dit n’importe quoi – et il faut se demander ce qu’il faisait à la tête de cette table ronde. Soit il dit vrai – apportant ainsi la preuve, au détour de cette discussion au parlement, que le discours officiel trompe sciemment le public en affirmant que la vaccination repose sur des bases scientifiques irréfutables.

 La retranscription précise des propos de M. Dubernard

 Nous avons donc voulu en savoir plus. Contacté par téléphone, Jean-Michel Dubernard nous a affirmé qu’il n’avait pas pu prononcer ces paroles, qu’elles avaient certainement été mal retranscrites par les services administratifs parlementaires. Nous avons donc vérifié auprès de ces services, à l’Assemblée nationale comme au Sénat. Or ceux-ci, après avoir réécouté l’enregistrement de la table ronde, nous ont confirmé que la teneur des propos du député avait été bien respectée dans le compte rendu.

Qui croire ?

Pour tenter d’y voir plus clair, nous avons nous-mêmes écouté l’enregistrement. Voilà ce qui a été effectivement dit :

– J-M Dubernard : « Là encore, on manque de données scientifiques pour apprécier les résultats de la vaccination de façon définitive. De plus en plus de types disent… Je participais à un colloque l’an dernier ici-même ; il y avait des médecins. [« Avec le vaccin contre] la grippe, [disaient-ils], peut-être qu’on a moins de fièvre, mais on est quand même embêtés. C’est ce qui m’arrive à moi aussi, même si je suis vacciné, toutes les fois. Le grand public et les médecins non spécialistes ont besoin d’informations précises et scientifiques sur la signification de cette affaire. Quand on me dit : « Tel [nouveau] vaccin fabriqué par tel labo est fantastique, la preuve, c’est quand je me le fais, je tousse ! et tous les types dans la salle, c’est pareil ! Même si on atténue, c’est pas le virus qui est atténué, ce sont les symptômes chez le receveur. Là, il y a des problèmes qui se posent. On l’avait déjà noté en introduction. »

C’est tout ce passage qui a été résumé par les fonctionnaires par : « Il manque des données scientifiques permettant d’apprécier l’utilité des vaccins ». 

L’autre séquence fait suite à un interlocuteur (Éric Guez, de Novartis Vaccines) qui expliquait ceci : « On parle du lobby anti-vaccination ; oui, mais il y a aussi une défiance presque non-dite. Vous-même l’avez dit par rapport à la grippe. Il y a ce sentiment général que, même si on se vaccine, on va quand même faire la grippe… »

– J-M Dubernard : « Oui mais il faut nous prouver scientifiquement que ça sert à quelque chose ! Or moi, je n’ai pas de preuve ! J’ai regardé : zéro ! Pas de publication. »

Ce passage a été résumé par les fonctionnaires par : « Il n’existe pas de preuve scientifique sur l’utilité des vaccins ».

 Les commentaires  de M. Dubernard aujourd’hui

 Nous avons demandé à J-M Dubernard de commenter ses propos. Voici sa réponse :

« Je traduisais les propos lors d’un débat médical tenu précédemment au Sénat. Ce que je dis a rapport au vaccin contre la grippe. Les participants se plaignaient de l’absence de données scientifiques sur le suivi des personnes vaccinées par rapport aux personnes non-vaccinées, sur le rapport entre les effets du vaccin avec virus atténué et ceux du vaccin avec virus véritable, et sur les complications. En fait, nous ne connaissons pas scientifiquement l’état des personnes selon qu’elles ont été vaccinées ou non.

« Par ailleurs, concernant le vaccin contre la grippe, en raison de mon expérience personnelle, j’émets quelques doutes. Je considère que les laboratoires devraient fournir des études les plus complètes possibles sur l’efficacité de ces vaccins, sur les différences observées entre vaccinés et non-vaccinés, sur ce qui se passe quand le virus connaît une légère mutation par rapport au virus original, etc[1].

« Je précise enfin que je ne suis pas du tout opposé à la vaccination, qu’ayant failli mourir de la tuberculose et ayant fait l’hépatite B, je suis totalement vacciné, mes enfants et mes petits-enfants le sont aussi. De plus, lors de la campagne pour les législatives, je me suis battu contre une jeune femme dont la candidature était centrée sur la lutte contre la vaccination. »

 Notre conclusion, c’est que M. Dubernard n´est pas opposé aux vaccinations, mais qu’il y a bien en France, comme nous l’avons mis en lumière lors de notre grande enquête participative, et ainsi que le reconnaissent les plus hautes sommités de la santé, un grave problème de connaissance des effets réels des vaccins (en tout cas pour celui de la grippe), tant en terme d’efficacité qu’en terme d’effets secondaires.

Et ce doute est d´autant plus dommageable que l´on base l´efficacité actuelle des vaccins contre la grippe A sur celle (seulement supposée, donc) des vaccins contre les grippes saisonnières…

 Verbatim

Lors de cette table ronde, d’autres propos – intéressants pour ceux qui s’interrogent sur les conditions d’élaboration de la politique vaccinale – ont été tenus par différents intervenants :

– Deux fois la question : « Existe-t-il des banques de données sur les complications vaccinales » a été posée sans obtenir de réponse.

– « Dans l’enseignement médical, il n’y a pas de cours sur la vaccination, ni en théorie ni en pratique. (…) Il faudrait apprendre aux médecins à vacciner. »

– Il ne faut pas exagérer sur la « saintitude » des laboratoires pharmaceutiques (deux fois).

– « L’absence d’outils épidémiologiques (pour connaître les effets réels des vaccins) est particulièrement dommageable en France. »

– « Les autorités sanitaires sont incapables de dire combien de scléroses en plaques touchent la population normale [ce qui permettrait de faire une comparaison avec la population vaccinée] ; c’est de la folie ! Il faut mettre en place une veille sur les maladies auto-immunes. On pourra alors balayer le syndrome anti-vaccin contre l’hépatite B. »

 
>> Jean-Michel Dubernard est membre du collège de la Haute autorité de santé (HAS) depuis 2008. Il est également membre titulaire de l’Académie de chirurgie, président du Collège européen de transplantation et de l’International Hand and Composite Tissue Allograft Society, et chirurgien attaché en urologie et chirurgie de la transplantation dans le service d’urologie et de chirurgie de la transplantation de l’Hôpital Edouard Herriot à Lyon. Le professeur Dubernard a mené une carrière politique qui l’a fait siéger à l’Assemblée nationale en tant que député UMP de la XIIe législature (2002-2007) dans la troisième circonscription du Rhône. Il a maintenant arrêté la politique pour se consacrer à la recherche et à l´hôpital.


[1] Lors de la table ronde, un représentant des laboratoires a exprimé que ceux-ci étaient mal placés pour faire ce travail qui incombait plutôt aux autorités.

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