Comment et jusqu’où dire non en famille ?

Peut-on être de gauche quand toute sa famille est à droite ? Ou catholique dans une famille de musulmans ? Sommes-nous contraints depuis notre plus tendre jeunesse à reproduire sans qu’on s’en rende compte le schéma familial ? Comment s’autonomiser, affirmer sa différence en famille ? La désobéissance au modèle parental, la transgression des règles explicites ou non-dites sont-elles nécessaires pour conserver sa liberté en tant qu’individu et citoyen ?

Pour cette nouvelle enquête participative, AgoraVox et Ouvertures ont choisi le thème de la liberté et de l’affirmation de soi face à sa famille. La culture du « non » en famille est-elle ou non une condition pour le développement de l’esprit critique et de l’individualité du futur citoyen ? Ce sujet englobe des domaines extrêmement vastes, comme celui des libertés individuelles, du droit à la différence ou de la dépendance affective. 

1. C’est un sujet d’actualité 
 
France 2 a diffusé il y a quelques semaines un documentaire intitulé « Le Jeu de la mort ». Réactualisation de l’expérience de Milgram, l’idée était d’évaluer le degré d’obéissance d’un individu devant une autorité qu’il juge légitime, et d’analyser le processus de soumission à cette autorité. Cette expérience devait à l’origine expliquer le comportement des soldats nazis pendant la seconde guerre mondiale. Si elle convoque aussi d’autres problématiques, comme le pouvoir de la télévision sur les téléspectateurs, cette expérience pose la question de la désobéissance à une autorité en vertu de préoccupations morales.
 
Qu’en est-il de la désobéissance au sein de la famille ? Chacun de nous a ressenti un jour ou l’autre des désaccords avec ses parents, ses frères et sœurs. Mais peut-on vraiment dire « non » à ses parents ? 
 
Dans Ouvertures, le magazine en ligne qui est à l’origine de cette enquête, est évoqué le prix Harubuntu qui récompense des initiatives de personnes résidant sur le continent africain. En 2009, Jacqueline Uwimana s’est vue remettre un prix pour son projet : apprendre aux enfants à dire non à leurs parents. « L’adulte, l’autorité administrative, les parents, l’enseignant, les religieux… n’ont pas le monopole de la vérité et n’ont pas toujours raison », estime cette Rwandaise qui a formé plus de 40 000 enfants à une nouvelle façon de penser et de faire face aux sources de conflits. 
 
Alors que la société nous éduque depuis le plus jeune âge à l’obéissance et à la soumission à l’ordre établi et aux autorités, l’idée que désobéir peut s’avérer utile, voire salutaire, émerge comme un moyen d’affirmer son individualité, de laisser parler sa conscience propre et d’aiguiser son esprit critique. Alors désobéir, sûrement, mais comment, dans quelles limites ? 
 
2. C’est un sujet politiquement incorrect pour notre société 
 
En dehors de cas historiques de désobéissance civile, comme les mouvements mis en place en Inde par Mahatma Gandhi au début du XXe siècle, par Martin Luther King en 1955 aux Etats-Unis, (fortement influencés par les théories d’Henry David Thoreau, philosophe américain du début du XIXe siècle et auteur de l’essai très controversé La Désobéissance civile) ou encore la résistance pendant l’occupation allemande, désobéir à l’autorité n’a pas bonne presse dans notre société.
 
Dès leur plus jeune âge, l’école place les enfants dans des moules, leur inculquant les valeurs de soumission et de discipline comme seuls guides de conscience. On leur apprend à dire oui, mais exceptionnellement à exprimer ce que leur dicte leur conscience. Apprendre aux enfants à utiliser leur ressenti profond pour orienter leurs choix pourrait pourtant permettre un développement de l’esprit critique, dans le sens noble du terme.
 

Comment faire pour s’opposer à des valeurs que l’on n’estime pas justes ? Comment faire pour apprendre à un mineur à exercer cette liberté, alors qu’il n’a par définition pas atteint l’âge fixé par la loi pour jouir d’une pleine capacité civile et de la responsabilité pénale ? 

 
 Les fugues ou la rupture totale des relations avec sa famille sont-elles les seules réponses quand on se heurte à l’incompréhension et à l’imperméabilité de ses proches ? Faut-il au contraire tout faire pour conserver les liens, quitte à nier ses propres valeurs et modes de pensée ? 
 
3. C’est un sujet profondément ancré dans la vie des internautes 
 
Les internautes sont souvent des apôtres de la désobéissance. Les CD et les DVD sont trop chers ? On télécharge illégalement. On n’est pas d’accord avec un article en ligne sur un site d’information ? On le crie haut et fort sur les forums prévus à cet effet. L’internaute du XXIe siècle est désobéissant par nature.
 

Cette enquête concerne chacun d’entre vous, adultes (parents ou non) et enfants. Qui n’a jamais remis en question l’autorité de ses parents ? A tort ou à raison, il arrive toujours un moment dans sa vie où l’enfant ne sera pas d’accord avec les décisions ou les principes moraux de ses parents. Religion, sexualité, fréquentations, opinions politiques, pratiques de consommation, mode, codes tribaux, etc. opposent souvent les générations. Réussir à s’affirmer quand on s’estime dans son bon droit n’est pourtant pas chose facile, notamment sur les plans affectif et émotionnel.

C’est pour cela que nous sollicitons vos avis, vos commentaires, vos expériences. 
  1. Pensez-vous que désobéir au modèle parental est nécessaire ? Utile ? Irrespectueux ?
  2. Comment peut-on affirmer sa différence, sa liberté de ne pas penser ou vivre comme on l’a appris, et conserver des bonnes relations avec ses proches ?
  3. Comment avez-vous affronté le désaccord avec vos proches ?
  4. Quelles sont les limites à la transgression des règles établies par les parents, et à plus forte raison par les autorités ?
  5. Comment s’affranchir de la tutelle familiale sans se soumettre à d’autres conditionnements (modes, médias, publicités, web, etc.) ?
  6. Dans une société de l’enfant roi, faut-il au contraire restaurer le respect de l’autorité familiale ? Comment ?
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