« Épouser la médecine, est-ce un bon plan ? Et j’oserai même demander, en toute généralité : vit-on plus heureux sans voir de médecin ? Cette question, je vous l’avoue, je me la pose depuis que j’ai vu le jour. Je vais examiner avec vous ce soir le bon ménage du mariage avec la médecine.
Les bons côtés
Côté positif : il n’est jamais agréable de faire un OAP ou un AVC (*) en plein désert médical ; avec un thérapeute de compagnie, l’expédition est entreprise en toute sérénité. Plus simplement, la possibilité de pouvoir résoudre au jour le jour les inévitables pépins de santé est certainement un plus pour le conjoint d’un ami d’Hippocrate. Des ordonnances à la demande, des antibiotiques sans rendez-vous. Mon expérience ne se limite pas à des améliorations biologiques, c’est dans les détails inattendus que l’on y gagne : l’explication d’un diagnostic du Docteur House, la protection bienvenue d’un caducée pour un parking improbable ; ce n’est pas le plus glorieux, j’en conviens ; je ne vais pas allonger la liste, je le pourrais amplement. Tout cela plaide incontestablement en faveur d’une association étroite avec la médecine.
Faut-il faire confiance aux médecins ?
On rencontre toutefois de grands esprits quelque peu réservés sur la toute puissance de la confrérie du stéthoscope. Ce n’est pas moi qui le dis. Pensons aux nombreux dramaturges, de l’antiquité jusqu’à nos jours ; à cet homme de théâtre qui faisait rire des médecins en parlant de mariage. Il allait jusqu’à dire : « presque tous les hommes meurent de leurs remèdes et non pas de leurs maladies ». Bon, c’est pure méchanceté, et loin de moi l’intention de l’imiter. Pourtant quand j’entends dire, tout près de moi : « arrêtez les médicaments, et tout ira mieux », j’en arrive, moi aussi, à me poser des questions. En toute logique, ne faudrait-il pas dire d’ailleurs : arrêtez les médecins, et tout ira mieux. Je ne mens pas : il y a des gens payés pour stopper l’élan de la médecine !
Vous éprouverez alors avec moi une certaine perplexité. Cela avait si bien commencé ! Comment conclure ? Mais les impressions favorables dominent et j’aurais tendance à dire : épouser la médecine, il faut essayer !
Finalement, qu’est-ce que la médecine ?
Pour vraiment avancer toutefois, ne faut-il pas surtout se demander : qu’est ce que la médecine ? Pour l’un c’est rétablir la santé, pour l’autre la maintenir ; pour l’un elle est scientifique, pour l’autre fraternelle. Pour l’un elle vise le bien-être physique, pour l’autre l’équilibre mental. Pour un autre encore, seul compte le soin de l’âme, bien cachée dans le corps. C’est un art indispensable au demeurant pour les malades que nous sommes tous sans le savoir.
Paracelse quant à lui déclarait : toute médecine est amour. Mais oui, nous y voilà, c’est bien le jour. Nous sommes tous malades d’amour. Alors oui, soignons-nous les uns les autres…, y compris les médecins. Et plutôt que d’allopathie ou d’homéopathie, usons d’abord d’empathie, et même de télépathie. En place d’anxiolytique, prononçons des mots doux. Plutôt qu’une AMM (*) annonçons un « je t’aime ». Contre un excès de bile, une main rassurante. Pour un pansement gastrique, de la soupe en grand bol. Comme potion médicale, goûtons le vin des noces. »
* OAP = Oedème aigu du poumon ; AVC = Accident vasculaire cérébral ; AMM = Autorisation de mise sur le marché (pour les médicaments)