Et si nous tirions au sort nos représentants ?

Depuis le début des années 2000, nombreuses sont les collectivités qui ont recours au tirage au sort pour désigner les membres de leurs dispositifs participatifs permanents ou temporaires. Selon un dossier du magazine Territoires, ce phénomène interroge la démocratie participative « jusque dans ses fondamentaux ».


Photo: lesgourmandisesdisa

Et si, plutôt que de les élire, nous tirions au sort nos représentants ? La question n’est pas si vaine qu’elle peut le paraître à première vue.  En effet, le tirage au sort est bien plus qu’un simple outil technique réservé aux jeux de société. Ce mode de désignation de la représentation politique  s’est développé dès le 6e siècle av. J.-C., à Athènes, en même temps que l’avènement de la démocratie.

Ses usages furent divers au cours des siècles avant de disparaître du paysage politique au 18e siècle puis de renaître dans les années 70 du siècle passé. Aujourd’hui, il s’impose même comme norme dans des dispositifs délibératifs à caractère temporaire, comme les jurys ou les conférences citoyens. Et il s’étend à des assemblées permanentes, comme les conseils de quartier ou les assemblées thématiques (conseil consultatif budgétaire, conseil local de la vie associative, conseil des résidents étrangers…)

Les collectivités territoriales et le tirage au sort

 Territoires recense les dispositifs participatifs qui, en France, font appel au tirage au sort :

– Jurys ou conférences de citoyens : Ile-de-France (schéma directeur ; déchets ; nanotechnologies) ; Poitou-Charentes (climat ; transport ; économie) ; Limousin (changements climatiques) ; Isère (eau) ; Meurthe-et-Moselle (arbre et nature) ; Saône-et-Loire (impôt ; 5e risque) ; Paris (ondes électromagnétiques) ; Toulouse (accès à la santé) ; Centre hospitalier Quimper (programme d’orientation médicale) ; Smictom St-Brieuc (déchets).

– Conseils de quartier : Toulouse, Dijon, Saint-Denis, Clermont-Ferrand, Chalon-sur-Saône, Orléans, Suresnes, Besançon, Paris, Le Creusot, Quimper, St-Nazaire, Nantes, Noisy-le-Grand, Narbonne, La Roche-sur-Yon, Angoulême, Montbéliard, Nevers, Strasbourg, Lille, Roubaix, Amiens.

– Assemblées thématiques : Pont-de-Claix, Pierre-Bénite, Aubagne, Brive-la-Gaillarde, Lille, Les Ulis, Strasbourg.

> Territoires n° 512 – novembre 2010 Tirage au sort : Les jeux de la démocratie et du hasard.

La sélection aléatoire s’appuie sur la présomption de compétence des citoyens, la mobilisation de leurs savoirs et de leur capacité ordinaire de jugement. Elle comporte des vertus que n’a pas forcément l’élection par vote. Elle favorise la représentativité sociologique des citoyens qui participent ; elle permet aux profanes, aux citoyens ordinaires, de prendre part à des décisions souvent squattées par des professionnels.

Grâce au tirage au sort, on peut désigner des personnes pas forcément parties prenantes des questions traitées, ce qui conduit à une relative impartialité et dote les dispositifs délibératifs d’une présomption d’objectivité, d’égalité et de neutralité plus grandes.

Il est particulièrement adapté pour trancher une question controversée, clore un débat vif de société ou évaluer une politique publique.

Sur le terrain, il appert qu’il est souvent complété de systèmes correctifs, comme le système des quotas dont les critères sont définis pour légitimer la participation de certains groupes : critères géographiques, parité homme-femme, représentativité de catégories socio-professionnelles, des différents âges, etc. Dans les conférences de citoyens, les participants reçoivent préalablement une formation sur les enjeux de la question traitée.

Pour expliquer la quasi disparition du tirage au sort de la sphère politique, certains invoquent le fait que les pères fondateurs des démocraties modernes, après les révolutions américaine et françaises, n’avaient pas comme idéal l’autogouvernement du peuple. Ils visaient plutôt l’aristocratie élective, où seuls les « meilleurs » doivent être appelés à gouverner.

A l’heure où la probité, ou pour le moins l’éthique de nos élites fait débat, la sélection aléatoire, sous des formes modernisées, pourrait trouver de nouveaux champs d’application pour permettre de solliciter les « meilleurs » citoyens de toutes les sphères de la société…

>> Voir aussi le Mouvement pour la clérocratie, « mélange de vote populaire et de désignation des dirigeants par le sort après filtrage ». Le néologisme peut prêter à confusion et faire penser aux “clercs”, donc au pouvoir dans les mains d´une élite. Alors qu´ici, le préfixe “cléro” est une abréviation du mot grec “clérotérion”, machine qui servait à tirer au sort les magistrats dans la démocratie athénienne. C´est l´idée d´un homme qu´il porte depuis 1999 avec, apparemment, peu de répondant. Mais on ne sait jamais…

>> A lire, la chronique de Julie Clarini qui s´inquiète pour les belges en panne de gouvernement et leur propose avec humour de s´inspirer  des méthodes de tirage au sort en vigueur à Athènes et dans la Venise des doges.

>> Envoyer un droit de réponse

1 commentaire pour cet article

  1. Bonjour,

     

    Je viens de lire votre article sur le tirage au sort des dirigeants. Merci de vous intéresser à ce sujet. C’est si rare ! 

    Et pourtant ! Filtré, car il faut éviter certains aléas du hasard, pondéré, afin de  permettre une juste représentation populaire, c’est une méthode de désignation des élus qui ne présente que des avantages par rapport au système actuel. 

     

    Savez-vous qu’il existe en France un syndicat, le CSFM, représentant plus d’un million de personnes et dont tous les membres sont tirés au sort ? Et cela ne date pas d’hier, il existe depuis 1969. 

     

    Le système de la clérocratie que j’essaie de faire connaître depuis plus de dix ans est un mélange de vote populaire et de tirage au sort. Il permet une organisation de la société qui respecte la souveraineté du peuple. En fait, qui lui rend ce qui lui appartient : le pouvoir de décider de son avenir. Ca, c’est une première ! 

     

    Que ce soit un système qui ne plaise pas à la caste politique, et pour cause ! cela je peux le comprendre. Mais ce que je n’arrive pas à m’expliquer, c’est le peu d’intérêt manifesté par la presse. Quoi ! Suis-je un fou dangereux qui va mettre notre pays à feu et à sang ? Les livres que j’écris démontrent le contraire. Peut-être un hurluberlu qui hisse le drapeau de l’utopie ? Et alors, toutes les grandes choses ont été rêvées avant d’être réalisées, et puis, en 1788, la démocratie n’était-elle pas une utopie ? Mais sans doute l’explication est elle plus simple, c’est vrai qu’il est plus facile de s’intéresser au système actuel. C’est sans surprises, ça ronronne et ça n’engage en rien. 

     

    Pourtant, si la clérocratie n’est pas LA solution aux problèmes de manque de démocratie que la totalité des pays démocratiques rencontre aujourd’hui, c’est une solution. C’est un mieux, une réponse cohérente. Et puis, avouez que c’est plus positif que de répéter en boucle : ça va mal, ça va mal ! 

     

    Je me bats depuis plus de dix ans seul ou presque. Alors si vous saviez comme un article comme le votre fait du bien ! Il me permet d’espérer et me fait dire que mon combat n’est pas vain. Savez-vous que, lorsque je parlais du système clérocratique et du tirage au sort tout au début, les gens avait un rejet quasi systématique ? Cela leur paraissait une folie. Actuellement, cela ne choque plus.  Une belle évolution !

     

    Comme vous l’avez deviné, j’ai besoin d’aide et de relais. 

     

    Bien cordialement.