Un magazine pour faire entendre les voix du Sud (I)

Le mensuel Afrique Asie, qui a accompagné l’expression des nouvelles soifs de liberté des pays africains sous tutelle coloniale, vient de fêter ses 40 ans. Il a connu des hauts et des bas, mais jamais de complaisance. Ce dont lui est aujourd’hui encore reconnaissante toute une génération de militants tiers-mondistes devenus altermondialistes…

Bouzid Kouza, journaliste, connaît bien l’histoire du magazine Afrique Asie dont il a rejoint l’équipe en 1979 (voir encadré).
Photo : JL ML

Il y a tout juste 40 ans (novembre 1969) naissait le magazine Afrique Asie, sous l’impulsion de Simon Malley († 2006). Alors correspondant diplomatique à New York pour des journaux et radios arabes et africains, ce journaliste égyptien a réuni une équipe de collaborateurs de toutes origines pour tenter une difficile aventure éditoriale : la publication d’un périodique consacré à la lutte de libération des peuples opprimés.

C’était courageux à l’époque. Les États-Unis pataugeaient dans le bourbier vietnamien. Les luttes pour l’indépendance en Afrique, Asie ou Amérique latine embrasaient les anciennes colonies. À contre-courant de la pensée unique véhiculée par la “grande presse”, les publications de Simon Malley – à Afrique Asie s’étaient ajoutés L’Économiste du Tiers Monde et Africasia en anglais – délivraient des informations, des analyses et des points de vue qui en a dérangé plus d’un. À preuve, l’irritation manifestée à l’égard du journal par le maréchal Mobutu, Omar Bongo et quelques autres, qui ont obtenu notamment l’intervention du président français Giscard d’Estaing pour tenter de faire taire Afrique Asie à jamais. Le 3 septembre 1980, Simon Malley, qui n’avait pas la nationalité française, était expulsé manu militari par la police française. Le prétexte ? Lui et son journal « mettaient en péril la sécurité même de notre pays » !

Malgré les difficultés financières qui lui ont valu trois interruptions (1987, 2001 et 2006), le journal continue sa route, exerçant son influence sur des générations d’Africains et d’Orientaux, et de militants tiers-mondistes, faisant entendre « la voix des sans voix », produisant quelques scoops.

« Sortir des conflits par le débat »

« Le journal a parfois payé cher son engagement, comme son soutien appuyé à l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), explique Bouzid Kouza, journaliste d’origine algérienne travaillant pour Afrique Asie. C’est vrai que nous avions une approche empathique, vue de l’intérieur, des luttes d’émancipation. Nous avons participé à l’éveil et à la formation, dans les domaines politique et économique, de nombreux cadres africains qui sont aujourd’hui aux commandes. Après une première période très révolutionnaire et antiimpérialiste, nous avons soutenu, face à l’insidieux néocolonialisme, le courant de pays africains considérés comme “progressistes” mais avec une approche moins schématique, moins véhémente dans la forme pour privilégier une écriture toujours critique mais davantage analytique et prospective, en phase avec la nouvelle donne dans les relations internationales et avec les nouvelles formes de lutte des peuples du Sud. En donnant la parole à des personnalités ignorées par la grande presse, nous avons diffusé des visions du monde exprimées par les gens de ce Sud, qui vivent différemment de ceux du Nord. Nous ne sommes plus dans l’antagonisme ni l’hostilité gratuite, mais dans l’explication, le discernement des enjeux. À l’ancienne attitude de confrontation avec les « méchants capitalistes », nous avons substitué une volonté de sortir des conflits par le débat. Les formes d’activisme héritées du 19e siècle sont obsolètes. Nous donnons la parole aux intellectuels « différents » et à ceux qui sont à l’écoute des faibles et des démunis, de ceux qui n’ont pas les moyens d’exprimer leurs besoins. La démocratie a apporté un plus pour les élites et pour ceux qui veulent intégrer le système. Nous en sommes désormais. »

 Après s’être investi, d’abord pour assurer sa continuité, ensuite pour améliorer le contenu, la diffusion et, surtout l’équilibre financier, le mensuel va passer à l’étape supérieure. Son site Internet sera alimenté en permanence par des informations supplémentaires, des analyses, des reportages audio et vidéo. Une  newsletter et une lettre confidentielle viendront étoffer l’édition imprimée. Les numéros hors-série seront plus nombreux pour mieux couvrir certains sujets d’actualité et certains pays insuffisamment traités dans l’édition mensuelle.

Avec toujours la même volonté d´être la voix de ceux et celles qu´on n´entend pas…

>> L’histoire d’Afrique Asie de sa naissance à ce jour, vue par la rédaction (décembre 2009). 

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