Colloque sous le parrainage d'Ouvertures

Les religions sont-elles mal traitées par les médias ?

Un colloque sur « le traitement du fait religieux dans les médias et l’édition » a rassemblé une soixantaine de personnes à Paris le 7 novembre 2014. Il a permis, au travers d’exemples concrets, d’appréhender l’image parfois caricaturale que les médias renvoient des religions et de pointer l’ostracisme dont sont victimes les minorités spirituelles.

Colloque du 7 novembre 2014 à Paris. De gauche à droite : Naser Ahmed Shahid, représentatnt de la communauté musulmane Ahmadiyya, Frédéric Grossmannn, directeur des éditions Les trois génies, François Jacquot, avocat.

Colloque “Traitement du fait religieux dans les médias et l’édition” (Paris, 7 novembre 2014).
De gauche à droite : Naser Ahmed Shahid, de la communauté musulmane Ahmadiyya, Frédéric Grossmannn, directeur des éditions “Les trois génies”, François Jacquot, avocat.

Comme l’ont souligné plusieurs intervenants, le traitement des religions n’échappe pas aux travers des médias qui ont tendance à privilégier l’actualité – de préférence dramatique ou spectaculaire – plutôt que de donner à voir le monde qui se construit. Et à privilégier l’anecdotique au traitement de fond. Si les producteurs de tomates, pour reprendre un exemple cité, peuvent s’estimer tout autant exclus ou maltraités par les médias, les religions ne sont-elles pas encore plus pénalisées ?

Les questions religieuses plus mal traitées que les autres

Plusieurs exemples développés au cours du colloque montrent que c’est bien le cas pour certains groupes religieux ou apparentés. Ainsi, les francs-maçons sont-ils victimes d’une image stéréotypée qui se reproduit périodiquement dans la presse magazine, devenant un de ses marronniers préférés. Jean-Luc Maxence, « franc-maçon pratiquant » à la Grande loge de France depuis 1996, a déroulé avec beaucoup d’humour un échantillon de titres racoleurs et dénoncé la maltraitance permanente du fait maçonnique. Tout en reconnaissant que la maçonnerie aurait besoin de balayer devant sa porte, elle qui interdit de parler des minorités religieuses en son sein.

Quelques « unes » de l’Express sur les francs-maçons :

Couverture de L'Express en 2008

Couverture de L’Express en 2008

  • Les secrets de l’initiation et les confidences de Roland Dumas, Alain Bauer et Gérard Collomb
  • L’Elysée, la droite et les francs-maçons
  • Guerre ouverte chez les francs-maçons
  • La dérive d’un grand Maître
  • La face cachée d’Eric Besson
  • Les combines des francs-maçons
  • Les francs-maçons et le pouvoir
  • Francs-maçons et  nouveaux réseaux
  • Francs-maçons, la main invisible
  • Francs-maçons, le grand retour

Les minorités spirituelles ne sont le plus souvent traitées par les médias que pour démontrer leur malfaisance. Comme l’a clairement exposé François Jacquot, l’avocat du Dr Guéniot, TF1 a joué un rôle clef dans la condamnation de son client, membre du mouvement du Graal et accusé de la mort d’une de ses patientes. Il a finalement été acquitté en appel et réhabilité par des juges épris de vérité. Le magazine de TF1, Le droit de savoir, consacré à l’affaire Guéniot, très partial, a été à l’origine de l’enquête pénale et a été rediffusé quelques jours avant les procès en première instance et en appel. Par ailleurs, Antoine Guélaud, journaliste à TF1, est revenu sur l’affaire de manière trompeuse dans un livre à la mémoire d’Evelyne Marsaleix, la patiente décédée (Ils ne m´ont pas sauvé la vie).

De gauche à droite, Jean-Lux Maxence, poète, écrivain et éditeur et Jean-Luc Martin-Lagardette, ancien rédacteur en chef d'Ouvertures

De gauche à droite, Jean-Lux Maxence, poète, écrivain et éditeur et Jean-Luc Martin-Lagardette, ancien rédacteur en chef d’Ouvertures

Jean-Luc Martin-Lagardette, ancien rédacteur en chef d’Ouvertures, a de son côté donné des exemples où les médias ont péché par omission. Aucun média français n’a par exemple rapporté l’échec essuyé par la délégation française au Conseil de l’Europe à exporter son modèle antisecte, ni le refus d’EELV (Europe Écologie Les Verts) d’approuver le rapport d’une commission d’enquête parlementaire sur « l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé ».

Il a réaffirmé la nécessité d’avoir en France comme dans d’autres pays une instance chargée de veiller à la bonne application de la déontologie journalistique.

Quand la raison verse dans l’irrationnel

Pourquoi un tel rejet ? Comment des dérives sectaires isolées et en nombre limité ont-elles pu susciter l’opprobre unanime de la société sur des mouvements sortant des croyances ou des pratiques admises ? Pourquoi une telle unanimité ? Pour l’éditeur Yves Michel, il s’agit d’un phénomène de bouc émissaire, de défoulement collectif, et sans doute également d’un réflexe de défense d’une société fondée sur le consumérisme. Pour Thierry Valle de CapLC (Coordination des associations & particuliers pour la liberté de conscience), les massacres de membres de l’Ordre du temple solaire (OTS) constitueraient le péché originel des sectes, dont la plupart n’ont pourtant rien à voir avec l’OTS. Ces massacres auraient selon lui fortement marqué l’inconscient collectif et entaché l’image de tout groupe minoritaire affichant des croyances hors normes.

> On pourra juste regretter que le colloque soit resté trop fidèle à son intitulé en se limitant au « fait religieux ». Il a en effet surtout abordé la question de la marche des institutions religieuses ou des groupes constitués, au détriment du foisonnement des spiritualités – de nature essentiellement individuelle –  dont les médias ne parlent pas. Et il n’a abordé que très succinctement le traitement par les médias des croyances et des messages véhiculés par les religions.

>> Les textes de quelques interventions :

>> Cette manifestation était parrainée par Emile Poulat, absent malheureusement pour cause de maladie (il est décédé peu après), et Ouvertures.

Pour aller plus loin :

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